« La bourse et la vie » de Jean-Pierre Mocky
Découvert à la télé alors que j’étais encore gamin, j’avoue avoir toujours gardé un souvenir attendri de « La bourse et la vie » de Jean-Pierre Mocky, un film qui a disparu depuis belle lurette des écrans radar. Alors qu’il était, excusez du peu, dialogué par le grand écrivain Marcel Aymé. Mocky, à cette époque, travaillait aussi bien avec Aymé qu’avec Raymond Queneau (« Un couple », « La cité de l’indicible peur ») ou Jean Anouilh (« Les vierges »).
Daté de 1965, « La bourse et la vie » n’apparaît pas dans le coffret quasi intégral que Pathé a consacré au cinéaste il y a quelques années. Sans doute pour des questions de droit, qui sait ? Le film était pourtant produit par la Columbia, on devrait pouvoir le dénicher, non ?
Ne me demandez pas de raconter dans le détail cette histoire d’argent détourné qui se retrouve dans une mallette que trimballent deux comptables : ces deux-là sont joués par Fernandel et son alter ego allemand Heinz Rühmann, grande vedette avant, pendant et après la guerre. Il y avait aussi Jean Poiret et trois grands patrons chauves, les frères Robinhoude. Un trio infernal incarné par André Gabriello, Jean-Claude Rémoleux et Pierre Gualdi. Quant à la jolie fille de service, elle était incarnée par l’Italienne Marilu Tolo.
Et Michel Lonsdale dans tout ça ?
Je me souviens de cette séquence au cours de laquelle nos deux comptables, qui ont récupéré la mallette bourrée de biftons, doivent compter l’argent dans un endroit tranquille. Un coup de chance, le club des timides fait justement ce jour-là un symposium et l’on se doute bien que qui dit timides dit les yeux baissés sur les chaussures. Pendant que nos deux amis brassent leurs billets de banques, à la tribune, les yeux baissés, Michael Lonsdale demande à ses congressistes, en rougissant, ce que fait le chien devant la chienne, le coq devant la poule, histoire de se donner à leur tour du courage lorsqu’ils seront en présence féminine.
Plus Mocky que cela, ce n’est pas possible et c’est ainsi aussi que j’aime me rappeler Michael Lonsdale, qui vient de nous quitter ce 21 septembre à l’âge de 89 ans, et qui avait fait de nombreux passages fulgurants dans la filmo de Mocky. Certes, « La bourse et la vie », c’est moins reluisant que « Des hommes et des dieux » dont tout le monde a parlé en guise de nécro mais c’est tellement plus jouissif. Et il est vrai qu’un acteur a plus de chance d’obtenir un César dans un film de Xavier Beauvois qu’en faisant le guignol chez Mocky. Mais je ne me refais pas, j’adore Mocky et son univers déjanté et, si j’évoque un bon souvenir de Michael Lonsdale, c’est tout autant dans ses grands films que dans les comédies vachardes de JPM.
Un peu plus tard, Fernandel et Rühmann se retrouvent dans un train sans posséder de billets. Comment vont-ils s’en sortir ? Tout simplement. Les deux passent naturellement devant le contrôleur et Fernandel lui lance un « Salut, collègue ». L’autre met la main à son képi et ne les arrêtent pas. Le gag est tellement réussi que Mocky le réutilisera quelques années plus tard dans « Le miraculé ».
Où sont passées la bourse et la vie ?
Où est passé « La bourse et la vie », bon sang ? Mettez la main dessus, retrouvez-le dans un grenier ou dans une cave, dites à celui qui le cache par-devers soi que ce n’est pas bien et qu’il faut le rendre à la postérité. Pour qu’au moins je l’ajoute à ma collection, merde !
Ah, une dernière chose. Puisqu’en matière de vidéo, on ne trouve pas grand chose sur « La bourse et la vie », autant regarder le Blow Up d’Arte qui lui était consacré. On y apprend plein de choses.