Puzzle 120 pièces – Mocky, Les Saisons du Plaisir

C’était un soir où, avant de retrouver le bouquin qui me tenait depuis plusieurs jours, je traînais devant la télé à regarder d’un œil distrait un quelconque talk show. Mon attention fut attirée par l’apparition du cinéaste Jean-Pierre Mocky. J’adore Mocky, ses films, son bestiaire d’acteurs, son anarchisme chevillé au corps et cette façon qu’il avait de se mettre en scène publiquement.

Mocky se confesse

Je me souviens qu’après la conférence de presse d’ « Agent trouble », il était resté discuter avec quelques journalistes et il nous avait expliqué quel serait son prochain film. Il va de soi que, tenant son audience en haleine, il inventait au fur et à mesure et avançait pour caractériser les personnages qu’il nous décrivait un casting improbable. Il fut question d’Yves Montand, d’Arnold Schwarzenegger et de quelques autres. Et le sourire qu’arborait Mocky semblait nous dire, tout en décrivant les péripéties de son scénario et en nous indiquant qui jouerait quoi, son sourire nous disait : j’espère que vous vous amusez bien et que vous ne croyez pas un mot de ce que je vous dis.

Et, dans le même temps, une fossette près de son œil nous incitait par contre à le croire : il avait tellement foi en ce qu’il faisait que tout, finalement, lui paraissait possible. N’avait-il pas donné à Bourvil, acteur populaire des familles, des rôles de rebelles incroyables ? Qui aurait pu imaginer, sans Mocky, le gentil naïf de « Blanc comme neige » en pilleur de tronc d’églises (« Un drôle de paroissien »), en arracheur d’antennes de télé (« La grande lessive ») ou en organisateur de plaisirs pour épouses insatisfaites (« L’étalon ») ?

Jean-Pierre Mocky et ses affiches

Et Mocky n’avait-il pas convaincu le très croyant Michel Serrault d’apparaître dans « Le Miraculé » ? Oui, tout était possible avec lui et le gaillard était tout à la fois dupe et ne l’était pas de ce qu’il nous racontait.

Mocky à la télé

Revenons à cette émission TV, animée par Christophe Dechavanne. Mocky, c’était une habitude sur les plateaux télévisés, râlait après l’État, les censeurs, la RATP, enfin il pérorait parce que l’affiche de son dernier film, « Les saisons du plaisir », avait été interdite d’affichage dans les métros et sur les culs de bus sous prétexte qu’un champignon se dressait fièrement et phalliquement au-dessous d’une jolie poire en forme de fesses. Elle était pourtant belle, cette affiche, et complètement dans le ton du film qui raconte un congrès de parfumeurs à la campagne, pris d’une frénésie sexuelle.

Il en pleurait presque de rage, le Mocky, devant les caméras parce que, vous comprenez, un film interdit d’affichage, surtout dans le métro, est mort avant même d’être sorti. « Le directeur du métro m’a dit qu’il y aurait des graffitis dessus alors que, quand il n’y a pas de bites, on en rajoute et que quand un mec n’a pas de moustaches, on lui fout des moustaches. » Des larmes de crocodiles coulaient de ses yeux jusqu’à ce que la caméra le quitte, fasse un plan de coupe sur un autre invité ou sur le présentateur et, quand elle revenait sur lui, Mocky était hilare puis, en expert du showbiz, voyant que la lumière de la caméra qui lui faisait face était à nouveau allumée, il reprenait son air contrit et confessait que ce n’était plus possible de travailler ainsi quand tout le monde se ligue contre vous pour vous en empêcher. Ajoutons néanmoins que, conçue par Anahi Leclerc et Daniel Palestrant, l’affiche des « Saisons du plaisir » reçut une nomination au César de la meilleure affiche mais la récompense lui échappa pour tomber dans l’escarcelle de « La petite voleuse ».

Bon client des émissions du petit écran, Mocky s’est retrouvé aussi face à quelques curés et à Christine Boutin, alors députée des Yvelines, pour parler du « Miraculé » et de l’affiche d’ « Il gèle en enfer ». Où, là encore, il était question de bites censurées. Et cette fois, c’était celle d’un ange qui pointait sacrément. Ce fut de nouveau un grand moment, avec ce curé en soutane (« habillé en fille », dixit Mocky) traitant le cinéaste de connard. Et, surtout, lorsque Christine Boutin déclare  : « Je pense que Jean-Pierre Mocky est un grand farceur » et que celui-ci lui répond : « Et vous, vous n’êtes pas une farceuse ? On pourrait se retrouver dans une chambre d’hôtel… » Du Mocky pur jus.

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