La furieuse fragrance de l’Orange Blossom

L’orage dans le ciel a laissé la place à l’ora(n)ge sur la scène. Comme intimidé par sa violence, son intensité, son éclat et son jus, Zeus, roi du ciel lyonnais pendant quelques minutes a préféré retirer ses tonnerres et ses éclairs de peur de les voir se blesser ou se ridiculiser. Après avoir arrosé copieusement les festivaliers des Nuits de Fourvière et les gradins sur lesquels ils allaient poser leur céans, la pluie a cessé pour laisser Orange Blossom s’exprimer.

Orange Blossom aux Nuits de Fourvière 2021

Mais commençons par le commencement.

Sous des trombes d’eau le directeur des Nuits vient nous narguer, se foutre de nos gueules emballées dans du plastique transparent et annoncer que selon le bulletin météo de l’aéroport où y’a des avions, la pluie devrait cesser dans 40 minutes. En attendant, joyeux spectateurs mouillés puis trempés puis inondés, profitez du groupe de 1ère partie, L’Étrangleuse. Passez une bonne soirée et… démerdez vous dans vos ponchos à 1 balle et apprenez à nager. En même temps, qu’aurait-il pu faire ? Construire un toit ? Annuler ? Reporter ? Bon, alors arrête de râler GB.

Harp rock

L’Étrangleuse c’est Maël Salètes à la guitare, au chant et au jeli n’goni (luth malien. Une espèce de saucisse à cordes qui branché à un ampli et bien traité à l’électronique se transforme en machine infernale), Mélanie Verot à la harpe amplifiée qu’elle maltraite avec ses doigts, avec un archer, quelques pédales d’effets, et tape parfois dessus avec une baguette; et Léo Dumont, fraichement arrivé à la batterie et aux percussions.
Sur scène, ce mélange pour le moins hétéroclite délivre une musique d’abord envoutant puis violente, puissante qui peut inspirer à la transe. Chaque titre commence comme une litanie pour finir dans un déluge de sons, de rythmes. Personne ne sort vainqueur du duel guitare-harpe ou jeli-harpe. Chacun tire son épingle du jeu. La petite avec sa grosse harpe comme le grand avec son petit jeli. Comme quoi, c’est pas la taille qui compte.
Kanibalekter étant pote avec Maël, il y a de fortes chances qu’on reparle dans ces colonnes de ce groupe qui mérite une oreille attentive.

Après un court entracte, les Orange Blossom et leurs mécaniques apparaissent sur la scène du Théâtre Antique. D’abord Hend Hamed, la belle égyptienne puis Léo Guérin, le guitariste pour une entame en douceur orientale. Le reste de la troupe s’installe discrètement avant de déclencher les hostilités. Et c’est puissant Orange Blossom. En général, les titres démarrent tranquillement pour grimper dans les tours et se terminer en feu d’artifice de percussions, de rythmes, de chants. Souvent, la fin d’un morceau n’en est pas une mais juste une respiration pour mieux embrayer sur une cavalcade de sons et de lumières. Pendant deux heures le groupe qui a su, dans ses compositions, parfaitement entrelacer chants égyptiens, techno, percussions africaines, trip hop, samples, rock, violon, va unir un public composé de vieux rockers sur le retour (moi et d’autres), de bobos croix-roussiens, de mamas algériennes, leurs arabesques et leurs youyous, des noirs, des blancs, des basanés pour une fête sans religion, sans politique, sans COVID et sans football. Ça fait du bien. Rien que de la musique à grande dose de joie, de danse et de communion.

Orange mécanique

Les machines infernales d'Orange Blossom

Sur scène, PJ Chabot tourne comme un lion en cage, puis bondit, puis tourne et retourne tout en faisant sortir de son violon rugissements ou câlins. Léo Guérin à la guitare est appliqué, si son travail semble discret il est essentiel, il est l’artisan qui solidifie la base, les fondations de la musique d’Orange. Hend Hamed, la chanteuse du groupe, dans une robe piquée dans le dressing de Cléopatre, rend hommage à ses ancêtres de sa voix maîtrisée et parfaite qu’elle accompagne de gestes doux, sinueux, reptiliens. Carlos Robles Arena est le grand maître des loops, des samples, et des fûts derrière une batterie indispensable et complémentaire avec celle des percussions de Dembélé. Fatoma Dembélé, imposant de nature et placé en hauteur, domine la situation. Il martyrise à la main ou avec des baguettes ses congas, tambours, maracas et autres percussions. Il est l’artisan en chef du feu d’artifice de rythmes qu’il déclenche en gerbes fumantes ou en bouquet final pétaradant.
Les deux forgerons sont surmontés de deux machines infernales, deux gigantesques bras articulés qui se promènent au-dessus des musiciens, crachant le feu, la neige, le brouillard, la lumière. Une scénographie signée François Delarozière directeur artistique de la compagnie La Machine et concepteur des célèbres Machines de l’île de Nantes.

La cosmopolitisme d’Orange Blossom

J’ai été frappé de voir comment la musique d’Orange Blossom transportait son public qui dansait dans les travées, chantait avec Hend, tapait des mains, des pieds et hurlait à la fin de chaque chanson espérant la prochaine et que ça n’en finisse pas. La musique des nantais est puissante et jouissive, riche et fine, occidentale et orientale. Tout ça à la fois, d’une intelligence rare et d’une ouverture d’esprit large et accueillante. Normal pour un groupe composé d’un mexicain, d’une égyptienne, d’un ivoirien, de deux nantais. Normal pour un groupe qui va auditionner des chanteuses au Mali, au Sénégal, en Egypte, qui joue avec la Yelemba d’Abidjan ou le collectif égyptien Ganoub, qui se balade, sa musique sous l’bras, en Europe, en Russie, au Moyen Orient, en Afrique et on parle de chants tziganes pour le prochain album presque prêt.

Deux indices pour la date de sortie du prochain album :

1 – PJ nous a dit qu’il sera sorti l’année de ses 50 ans
2 – la vidéo date du 2 juillet 2021

Alors, vous avez trouvé ? Par contre, le titre, je ne sais pas.

Ci-dessous quelques instants volés. Quelques secondes de titres interprétés par Orange Blossom. Pourquoi juste un extrait ? Parce que je me suis senti un peu con de regarder le concert à travers mon téléphone. Je n’allais pas rater la vraie vie, le vrai concert juste pour ramener un film sautillant et de piètre qualité sonore. Quelques secondes pour vous mettre l’eau à la bouche et moi je pose le téléphone et je profite.
C’est d’ailleurs dommage, avec les moyens dont nous disposons aujourd’hui de ne pas pouvoir disposer à la fin, même s’il faut attendre un peu, ou sur Internet plus tard, du film de ce concert que nous avons tant aimé. Pour retrouver cette ambiance, ce son, ces morceaux et revoir la soirée. C’est dommage.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.