HIP, HIP, HIPPIES, HOURRA !

Je suis née en septembre 1973. Mon enfance à moi, c’était Chapi Chapo, Emilie Jolie, Récré A2 et l’Ile aux Enfants.
Une photo me montre dans un petit manteau jaune canari avec de la fourrure. Je me souviens des pantalons pattes d’éléphant de mes parents, des talons compensés, du papier peint psychédélique dans notre appartement de Limeil-Brévannes, des rideaux orange dans la chambre à coucher parentale… Pour moi, c’était cela « les hippies », avant tout un style vestimentaire ou décoratif bien flashy, éventuellement un « Peace and Love » brodé sur un tee-shirt…
Et puis après, il y eut les années 80, les vêtements fluos, les boites à rythme, Jeanne Mas, les zombies de Michael Jackson, les muscles de Bernard Tapie dans Gym Tonic…

Hippies dans Hair de Milos Forman

Autant vous dire que le mouvement hippie ne m’a pas marqué plus que cela.

J’étais pas née ou j’étais trop petite et mes parents étaient très sérieux : ils ne fumaient que des Stuyvesant, écoutaient de la grande musique, les groupes disco des années 70 (Boney M, Abba), ou bien les chanteurs des années yéyé; je ne me rappelle pas avoir beaucoup entendu John Baez, Bob Dylan ou Jim Morrison sur la platine de mon père, mais il y avait quand même les Rolling Stones et les Beatles ! Papa n’avait pas manifesté en mai 68, ni maman d’ailleurs qui pourtant habitait la région parisienne : faut dire que mon grand-père maternel était haut placé à l’époque à la préfecture de Paris et il avait prévenu ma mère qu’elle n’avait pas intérêt à se retrouver menottée dans son bureau… c’est sûr, ça l’a quelque peu refroidie.

Les hippies, pour moi, c’était avant tout de doux rêveurs, des personnes qui aiment se balader à poil, qui fument de la drogue, des illuminés qui parlent aux arbres, une sorte de secte en fait. Ils ont fait partie de l’histoire, ok, bon, passons à autre chose. Même le Festival de Woodstock ne m’impressionnait pas, tout ce monde qui se pavane dans la gadoue, le sourire aux lèvres…Que dire…

Il était une fois … Quentin Tarantino

Et puis, je suis allée voir « Once Upon A Time… in Hollywood » en 2019. Pas pour Tarantino dont l’humour me laisse parfois un peu perplexe, mais surtout pour me réjouir du retour de Brad Pitt sur les grands écrans.
J’ai aimé ce film et surtout il a provoqué chez moi un sursaut d’intérêt pour le mouvement hippie ; car ce qui m’a frappée tout d’abord en le visionnant, c’est la réaction d’une partie de la société par rapport à cette communauté : la méfiance, le rejet. Les hippies ne bossaient pas, vivaient entre eux, partageaient tout. Effectivement, c’était assez inquiétant (je plaisante).

Brad Pitt rencontre les hippies

C’était un courant de contre-culture, un rejet des valeurs traditionnelles, portés par une jeunesse issue du baby-boom. Une volonté de vivre autrement, plus en harmonie avec la nature qui nous entoure, et un refus catégorique de la société de consommation. N’est-ce pas ce que nous aimerions retrouver aujourd’hui, en 2021 ?
C’était aussi la libération de la femme qui n’est plus cantonnée dans son rôle de maitresse de maison : faire la popote et le ménage, satisfaire la libido du mari, éduquer les enfants. On retrouve désormais la notion de plaisir pour l’homme mais aussi pour la femme, d’égal à égal.
Braver l’interdit, faire des expériences, tenter de découvrir par le biais de substances illicites ce qu’il y a au-delà d’une vie purement matérielle et conformiste… Je porte de plus en plus un regard tendre sur ce mouvement qui finalement partait aussi d’un bon sentiment : celui de la fraternité.

Black, Blanc, Hair

Il est une histoire qui relate vraiment bien cette époque particulière : celle de 5 jeunes à New-York en 1967. La comédie musicale HAIR. Je connaissais cette œuvre de nom (la version française interprétée notamment par Julien Clerc en 1969), une ou deux chansons. C’est tout.

Les hippies, hommes et femmes, avaient les cheveux longs (d’où le titre, pour ceux qui n’auraient pas suivi) mais savez-vous pourquoi ? En opposition aux crânes rasés des soldats américains qui se battaient pendant la guerre du Vietnam. C’est aussi cela les Hippies : une jeunesse qui refuse de participer à ce massacre (58 177 soldats américains tués, 153 303 blessés, traumatisés à vie ; des millions de vietnamiens morts : les États-Unis auraient quand même largué 7.08 millions de tonnes de bombes durant le conflit ; pour se faire une idée, 3.4 millions de tonnes ont été larguées par l’ensemble des alliés sur tous les fronts de la seconde guerre mondiale).

Hair, 1979 (de Milos Forman)

HAIR est une comédie musicale qui fut présentée pour la première fois à Broadway en 1967 puis en 1968 et pendant 4 ans sans interruption. Milos Forman en a fait un film en 1979.
HAIR reste avant tout, par le biais de cette histoire d’amitié et de chansons cultes magnifiques, une dénonciation des atrocités de cette guerre, et plus largement de toutes les guerres.
Un des personnages, Claude Hooper Bukowski (John Savage) quitte en 1967 la ferme paternelle de l’Oklahoma pour New-York. Il veut visiter la ville avant de partir combattre au Vietnam. Il rencontre alors 4 jeunes hippies avec qui il va sympathiser et vivre quelques jours. Parmi ces 4 jeunes, il y a deux hommes blancs, une femme blanche en cloque un peu nunuche mais attendrissante, et un homme noir.

J’ai aimé aussi cela : les noirs et les blancs s’apprécient, vivent ensemble, s’entraident.
Une scène montre des femmes blanches qui chantent leur amour des hommes noirs, puis des femmes noires qui chantent leur désir pour des hommes blancs. Une belle revanche pour cette Amérique qui sort tout juste d’une période de luttes violentes pour les droits civiques des afro-américains.

Dans cette même scène, des gradés militaires se couvrent de ridicule en chantant avec des voix de fausset tout en matant les jeunes hommes qui se présentent nus devant eux pour être sélectionnés. Ce sont ces mêmes gradés qui formeront ces jeunes au combat puis les enverront tuer et se faire tuer. La scène est drôle et triste en même temps : on se moque de l’armée au service du pouvoir ; pourtant, c’est ce pouvoir, encore et toujours, qui aura le droit de vie et de mort sur les populations.

Laissons entrer le soleil

Le soleil, c’est surtout George Berger (joué par le beau Treat Williams), personnage lumineux, charismatique, chef de bande et protecteur.
A un moment du film, on le voit chez ses parents à qui il vient demander de l’argent. Ce moment est très représentatif : le jeune hippie, cheveux longs, vêtements sales; sa mère qui insiste pour lui laver son jean et son père lui rétorquant qu’il n’a qu’à aller travailler s’il veut de l’argent. Les hippies étaient des traine-savates. Ils se disaient libres. Mais est-on vraiment libre quand on passe son temps à faire la manche, à attendre que les autres vous aident ? Grande question.

HAIR c’est aussi et avant tout des chansons inoubliables. Je pense bien sûr à Aquarius et The Flesh Failures plus connu sous le titre Let the Sunshine in.

J’ai commencé à regarder ce film sans grande conviction. J’ai été véritablement bouleversée, notamment par la fin de l’histoire. Les personnages sont beaux, touchants. Les costumes, les chansons, l’ambiance… tout y est léger et lourd à la fois.
Derrière cette volonté d’un monde meilleur, rôde toujours menaçant le spectre de la désolation et de la mort. C’est cela que réussit à mettre en scène Forman.

Les hippies n’étaient pas parfaits, loin de là. Mais ils ont apporté un vent de fraicheur et de liberté qui coule dans nos veines, qu’on le veuille ou non. J’irais jusqu’à dire qu’ils ont contribué aussi à faire de ma vie ce qu’elle est : une petite fille occidentale née libre et respectée, devenue une femme consciente des combats qu’ils ont menés.
HAIR leur rend magnifiquement hommage.

Hair de Milos Forman 1979

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