Concert de Deep Purple au Printemps de Pérouges, 28 juin 2022
– Tu as vu ?
– Quoi ?
– Le gamin qui vient de passer ?
– Et bien ?
– Qu’est-ce qu’il a ? 50 ? 55 ans ? Je savais pas qu’à cet âge, on connaissait ce groupe.
– Quel groupe ?
– Mais celui qu’on vient voir en concert ?
– On vient voir un groupe en concert ?
– Qu’il est con ! On n’est pas à Deep Purple, là ?
– Ch’ais pas, croyais qu’on regardait la télé et qu’on n’allait pas tarder à avoir le goûter.
Muppet à Pérouges
Cette conversation digne du Muppet Show pouvait être entendue lors du concert des Deep Purple au Printemps de Pérouges, le 28 juin dernier. Où la moyenne d’âge avoisinait… enfin se rapprochait… Bref, on avait l’impression que des bus avaient fait le tour des maisons de retraite des environs. D’autant plus que la première partie annonçait… Ange, un groupe que je croyais dans les limbes depuis belle lurette et qui, en fait, n’a jamais cessé de tourner. Comme quoi, la zique (et sans doute la bibine et quelques substances interdites à la vente publique), ça conserve !
Christian Décamps, le chanteur d’Ange, 76 ans aux prunes comme on disait dans le temps (qui était le sien), est un mélange de Demis Roussos, pour la corpulence et la canne avec laquelle il se déplace difficilement, et de Dumbledore pour la longueur et la blancheur de la barbe. La voix est toujours puissante, le charisme à peine abîmé par les ans et l’expérience valait le détour.
Véritablement grandioses
Comme elle le valait encore plus pour Le Pourpre Profond qui suivit. Quoi qu’en dise Glob, qui m’avait avoué être parti avant la fin d’un précédent concert, le groupe montre un talent musical indéniable. Pour tout dire, et même s’il faut comparer ce qui est comparable, j’ai vu Juliette Armanet quelques jours après. Et pourquoi, je vous le demande bien. Oui, pourquoi ? J’ai parfois de drôles d’idées, et même pas des idées d’lagunes, des idées d’Lido, des idées d’fortune et de clair de lune et les pieds dans l’eau comme le chantait Trénet. Donc, je suis allé voir la Juliette qui tient bien la scène mais qui, musicalement, ne donne pas envie de grand chose et bien là, mes amis, la différence était flagrante. Chez la Juliette, un de ses musicos souffle dans un biniou et le public est en transes. Chez Purple, le bassiste (Roger Glover) et le batteur (Ian Pace) sont bons, le chanteur (Ian Gillan) excellent, et le claviériste (Don Airey) et le guitariste (Simon McBride, beaucoup plus jeune que le reste de la bande) sont grandioses. Véritablement.
Là où je m’attendais à du rock binaire boum badaboum et tsoin tsoin pour faire plaisir aux oreilles chastes, je suis tombé sur un combo complètement jazzy, jazzy dans le sens où chacun des musiciens avait sa place et droit, régulièrement, à un solo. Du grand art, un très grand moment, un excellent moment. Parce que, entre nous, Deep Purple à l’époque où j’écoutais ça, disons vers 20 ans, passait pour de la musique de bourrins. Celle qu’on adore à l’âge où l’avenir est incertain, les amours chaotiques et le vague à l’âme aussi présent que des éléments de langage dans un discours du porte-parole de l’Élysée. Et bien, quarante ans plus tard, on aime retrouver ces moments-là, où l’on a l’impression que notre jeunesse date d’hier… allez d’avant-hier… oh, faites pas chier !
Bon, revenons aux Purples qui nous ont bien empourprés, séduits par leur dextérité musicale, leur amusement à nous entraîner soudain vers d’autres univers. Un exemple. Ils sont en train de jouer un air, ne me demandez pas le titre, le seul que je connaisse c’est « Smoke on the Water », pour les autres je reconnais la mélodie mais suis incapable de citer son nom, bref, ils commencent un morceau et, soudain, Don Airey, aux claviers donc si vous suivez, se prend d’une déferlante galopante, ses doigts courent, ça n’a plus rien à voir avec le morceau, il attaque « La Marche turque » de Mozart, bifurque sur du jazz, revient par « Alouette, je te plumerai » et, comme il est en France, poursuit sur « La Marseillaise » avant de revenir à quelque chose de plus classique, puis jazz, puis rock, et il retombe sur ses pattes comme un chat balancé du 14e étage et reprend la mélodie de la chanson initiale là où il l’avait laissée trois quarts d’heure avant. Un génie, ce mec, je vous dis.
Pérouges se pâme
Plus tard, le même Dan fait mumuse avec Simon, le guitariste. Il plaque deux-trois accords, comme ça, à la va-vite, et voilà que l’autre les reprend à l’identique et ça continue, sur tous les rythmes, sur des croches, des demi-croches, sans anicroches. La classe ! Quant à Ian le chanteur, pour le différencier de Ian le batteur, il ne doit plus bien se souvenir de sa première chemise et il a bien raison. Le gars, si l’on en croit wikipedia, affiche 76 ans au compteur. Il porte beau, a une voix incroyable et il nous embarque sans peine.
Ravis, les spectateurs se laissent dériver au gré des envies musicales des mecs sur scène, jusqu’au moment où retentit l’un des riffs les plus célèbres au monde. Un de ces putains de riffs qui, cinquante après, fait toujours aussi chaud au cœur. Et voilà nos amis partis sur une histoire qui se déroule sur le lac de Genève où il y a de la fumée sur l’eau. Et, envoyez la mayonnaise, ça fonctionne toujours et la fosse n’en peut plus, les gradins sont debout, vent en poupe, et le vaisseau amiral prend le large pour le bonheur de tous.
Merci beaucoup pour votre article, j’y étais par vos mots !!!! Topissime ! Merci pour l’ambiance, la bonne humeur, le talent de ces garnements (ya pas d’âge pour ça !), très bonne journée à vous 🙂