Arno, just a dead motherfucker

J’ai rencontré Arno il y a longtemps mais je n’arrive pas à me souvenir à quelle occasion. Ce n’était pas une interview, ni une conférence de presse, je n’en ai aucune trace. Juste une rencontre, comme ça, certainement, en backstage. Je me rappelle avoir discuté avec lui un petit moment, avant un concert peut-être. Ou alors c’était lors d’un événement type festival et il traînait dans le coin et moi aussi, peut-être à attendre d’interviewer un autre artiste, lui de monter sur scène. En tout cas, je n’étais pas venu pour Arno, ça c’est sûr. Il était dans un état joyeux et guilleret. Avenant, sympathique et drôle. Il bégayait des histoires foutraques, baragouinait anecdotes et morceaux de vie avec sa voix si particulière de rock et de rocaille. Et cet accent à couper à la hache. Nous avons donc bien rigolé. Ca je m’en souviens très bien. Je me souviens très bien avoir passé un bon moment, très détendu car Arno était un mec cool qui ne se prenait pas la tête ni celle de ses interlocuteurs qui qu’ils soient. Il était toujours accueillant et faisait partie de ces artistes qui savent vous mettre à l’aise. Pas une star, juste un mec heureux de faire ce métier et d’en accepter les tracasseries dues à la notoriété. J’ai fait la connaissance ce jour d’Arnold Charles Ernest Hintjens qui m’a donné l’envie de découvrir Arno.

Arno avec TC Matic

Arno, solo gigolo

Arno est un peu perché, beaucoup poète, très sensible. Il a pondu des merveilles comme Les Yeux de ma Mère, Oostende Bonsoir, Putain Putain, Elle Adore Le Noir (avec TC Matic) et bien d’autres. Ce que je préfère chez Arno, ce sont ses reprises. Il ne fait pas du karaoké comme beaucoup. Il y met sa patte. D’abord sa voix bien entendu, son accent, il peut mélanger français, anglais, flamand, il y ajoute un bon gros morceau de rock, guitares et esprit et triture la chanson pour la faire sienne. Il disrupte l’original et la chanson en devient une autre. Comme Bashung. Arno et Bashung sont deux génies de la reprise. Passée entre les mains et les oreilles de ces deux cocos, une chanson en ressort ébouriffées, changée, magnifiée, chiffonnée tout en conservant son faste, sa richesse originelle pour lesquelles les deux gangsters ont eu envie de la braquer.

Arnold Charles Ernest Hintjens

Arno peut s’en prendre à n’importe quelle chanson. Il a chanté du Rouliau, du Christophe, du Queen, du Abba et il était même en train d’enregistrer un duo avec Mireille Mathieu. D’ailleurs, on va le voir un jour ce duo étrange ? Je suis curieux. Donc il peut chanter n’importe quoi. L’annuaire ? Même pas besoin d’instruments de musique, d’arrangements tortueux, de sonorités fantasmées, il n’a besoin que de sa voix, son parlé, son accent, et la chanson n’en sortira pas la même.

Je suis ouvert comme une vieille pute… Tu vois l’bazard. Et je joue partout.

Arno

Il est mort après avoir mené la vie qu’il voulait. Il a été un artiste jusqu’au bout, enregistrant un album bilan/testament en 2021 avec Sofiane Pamart au piano dans lequel il rejouait ses tubes (son cancer a été diagnostiqué en février 2020), donnant encore quelques concerts, slalomant entre les confinements, les hospitalisations, la chimio jusqu’en 2022.

Quand je suis sur scène, j’oublie tout. J’ai donné des concerts avec la pompe à chimio. Maintenant j’ai les cheveux courts, mais j’ai toujours été un chanteur de charme… même raté. Ce n’est pas grave.

Arno au quotidien belge Le Soir

Il a la générosité de la séduction; le chaos du lyrisme, la liberté du débordement. Je le tiens pour un spécimen rare, comme on le dit d’une plante.

Michel Piccoli en 1999

Magnifique ! Avec un Adamo un tantinet déstabilisé par un Arno qui vient foutre des grands coups de pied dans la fourmilière de la variétoche avec son sac en plastoc et son verre de blanc à la main. Mais l’italo-belge joue le jeu amusé et un peu effrayé par l’état du belge d’Ostende et par ses « motherfuckers! » balancés à l’avenant pour transformer le crin-crin d’Adamo en une pièce d’anthologie avec un public complice, conquis.

Quand le soleil tombe dans la mer… Ça m’inspire, ça me donne un trip, je n’ai pas besoin de drogue. Ma drogue, c’est le soleil qui tombe dans la mer

Arno

2 commentaires Ajoutez le votre

  1. juliette dit :

    Un super bel hommage rendu à un Arno si atypique …

  2. princecranoir dit :

    Une perte majeure pour le rock belge. Putain, pour le rock en général même…

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