La reine est morte vive le roi !
Les anglais vont passer de Queen à King. Ils ont changé les paroles de leur hymne national, les illustrations sur les billets de banque, sur les assiettes moches, sur les mugs, sur les t-shirts, moches aussi.
Plus de reine mais un roi d’Angleterre.
Alors que nous, froggies, coupions les têtes de nos reines et rois, les rosbeefs sont en adoration pour les leurs, couronnées et toujours bien en place sur leurs épaules. Ce pays qui vit au rythme de la royauté, qui honore et respecte ce système archaïque est aussi celui qui a révolutionné le rock mondial.
C’est sous le règne de Queen Elisabeth que sont apparus Beatles, Stones, David Bowie, Led Zeppelin, Queen, Genesis, King Crimson, Sex Pistols, Yes, rock progressif, glam rock, pub rock, punk rock, new wave, post-punk et punk folk… La british invasion débarquera sur les plages du monde entier par vagues successives pour devenir force d’occupation toujours bienvenue. Cap sur l’Angleterre pour un hommage à sa majesté.
Elizabeth a été couronnée Queen Elisabeth le 2 juin 1953 à l’Abbaye de Wesminster. Élisabeth Alexandra Mary avait l’air indifférente à la musique rock mais a vite compris l’importance du rock’n’roll pour la jeunesse de son pays et pour ses finances. Elle a donc laisser faire, observant bien assise sur son trône le bouillonnement créatif de son peuple. Bref, elle s’en tamponnait le coquillard royal mais quand même. A tel point qu’en 2002, la reine qui reçoit en son palais quatre des plus grands gratteurs de 6 cordes du rock, à savoir : Eric Clapton, Jeff Beck, Jimmy Page et Brian May, elle demande à Clapton: «Ça fait longtemps que vous jouez de la guitare ?»
En novembre 1963, elle invite les Beatles pour un concert au Royal Variety Performance. Organisé par la famille royale afin de récolter des fonds au profit des plus démunis, toute le gratin anglais est présent sauf la reine, mais elle enceinte donc excusée. C’est pendant ce concert que John Lennon prononcera la phrase célèbre :
Les gens assis dans les places moins chères, tapez dans vos mains. Et le reste, vous pouvez faire teinter vos bijoux
John Lennon
Malgré ça, les Beatles et en particulier McCartney resteront bien potes avec Zabeth. Popol rencontrera Queen Elisabeth 5 fois et en gardera un souvenir ému :
Je me sens privilégié d’avoir été en vie pendant toute la durée du règne de la reine Elizabeth II… à chaque fois, elle m’a impressionné par son grand sens de l’humour combiné à une grande dignité.
Popaul
Il a même écrit une chansonnette de 25 secondes selon la police, 26 secondes d’après les organisateurs, intitulée Her Majesty.
26 secondes de bonheur, douche comprise. Dans cette chanson, McCartney parle d’une fille « assez jolie » mais qui « n’a pas beaucoup de choses à dire ». Mais Paul ne lâche pas l’affaire : « Some day I’m gonna make her mine / un jour elle sera mienne ». A l’écoute de la chanson à la BBC, elle a cassé toute la vaisselle royale de rage, a pendu haut et court son ministre de la culture et s’est mise à boire.
Naannn, j’déconne !
Elisabeth II ne s’est pas froissée. Juste un peu chafouin. Elle l’a bien pris. Pas rancunière elle a anobli Paul McCartney en 1996 « pour services rendus aux arts ».
Décoré par la Queen Elisabeth
Paul The Beatles n’a pas été le seul à être anobli ou décoré par sa majesté.
En 2009, Bono, le chanteur de U2 reçoit le titre de Chevalier de l’Ordre de l’Empire Britannique. Pour sa carrière et aussi pour ses engagements dans le domaine caritatif. Il ne pourra pas être anobli puisqu’il est Irlandais du sud, donc pas britannique puisque son pays s’est retiré du Commonwealth en 1949.
En 1998 c’est au tour d’Elton John d’être anobli par la reine Élisabeth II pour services à la musique et œuvres caritatives, dans la foulée, il est nommé à l’ordre des compagnons d’honneur en 2019.
En 2002 c’est au tour de Mick Jagger de recevoir le titre de Sir pour je cite « services rendus à la musique populaire. »
D’autres recevront les honneurs de la royauté : Adele, Ed Shiran, Kylie Minogue, Jane Birkin, Van Morisson, Ray Davies.
Quant à Bowie il refusera par deux fois les honneurs de la reine : en 2000 le titre de Commander Of The British Empire et en 2003 celui de Chevalier. Il déclare :
Je n’aurais jamais l’intention d’accepter quelque chose comme ça. Je ne sais sérieusement pas à quoi ça sert. Ce n’est pas pour ça que j’ai passé ma vie à travailler.
David Bowie
Elle aimait bien Abba (Dancing Queen) (j’ai mes sources !) mais aussi Elton John qu’elle a anobli en 1998. Elle avait une passion pour la cornemuse écossaise, Richard Wagner mais aussi les chansons de George Formby qu’elle connaissait par cœur.- vedette de music-hall, comédien et chanteur qui jouait du ukulélé – Toute jeune, elle envisageait même de prendre la direction de son fan club. Elle était déjà rock avant l’heure car Formby, le Fernandel anglais, fut censuré et banni de la BBC. Shocking !
Le côté sombre de la farce
En 1977, la vague punk pose son gros cul sur le monde du rock. God Save The Queen, interprétée par les sales gosses des Sex Pistols s’en prend à sa majesté avec une goujaterie sans nom assimilant la monarchie britannique à un régime fasciste. La chanson fut alors bannie des ondes de la BBC. C’est étonnant non ?
Johnny Rotten s’est quand même fendu d’un tweet le lendemain de la mort de la reine disant : « Rest in Peace Queen Elizabeth II. Send her victorious » quant à Glen Matlock, premier bassiste du groupe, il tweetera “God save the king – j’espère que ce n’est pas un vieux fou.”
Mis à part le brûlot punk des Sex Pistols, la reine n’a pratiquement pas été attaquée frontalement.
En 65 John Lennon renverra sa médaille à Buckingham Palace pour protester contre plein d’trucs qui l’agacent, le Biafra, le Vietnam et son disque qui ne se vend pas. Bon so what ? Plus virulents, les Manic Street Preachers, de Blackwood au Pays de Galles. Dans leur chanson Repeat, ils sortent les griffes et s’en prennent à la « Royale Khmere rouge » et cet « abruti de drapeau ». Plutôt féroces, ils chantent :
J’emmerde la reine et le pays
Bradfield / Edwards / Jones / Moore
Répète après moi
Héritage de la condamnation à mort
Palais du camp de la mort
Générations inutiles
En 1999, le groupe de Cardiff au Pays de Galles (encore ?), Catatonia dans Storm The Palace, ne s’en prend pas directement à la reine mais au palais de Buckingham. Cerys Matthews, la chanteuse, nous invite à le prendre d’assaut, le transformer en bar et d’envoyer tout le personnel travailler chez Spar, vendre des salades par exemple.
En 1985, le groupe de Hull, The Housemartins sortent Flag Day dans laquelle ils déclarent qu’Elle (la reine) est un parasite avaricieux
Toujours dans le grinçant et le virulent, Ian Brown le chanteur des Stone Roses le groupe de Manchester, détourne la chanson de Simon & Garfunkel, Scarborough Fair (Canticle). Ca dure à peine une minute mais c’est super violent :
Je n’aurai pas de repos tant qu’elle sera sur le trône
Ian Brown
Mon objectif et mon message sont clairs
Je vais te battre à mort, ma chère Élisabeth.
La chanson est extraite de leur premier album éponyme sorti en 1989. Un des 1001 albums qu’il faut avoir écouté dans sa vie (ouvrage de référence publié en 2006 sous la direction de Robert Dimery). Un album majeur du rock anglais. Tout d’même.
On va terminer avec un autre album majeur qui fait partie lui aussi des 1001 albums qu’il faut avoir écouté dans sa vie, d’un autre grand groupe anglais, Les Smiths et The Queen Is Dead. Une chanson d’actualité sauf qu’elle est sortie en 1986 dans l’album du même nom. Morissey ne s’en prend pas seulement à la reine morte la tête en écharpe (je cite) mais au pays tout entier et son odeur de pourriture.
Billy Bragg est un auteur-compositeur-interprète et militant anglais. Il joue dans la catégorie folk et punk rock, et ses textes parlent aussi bien de sujets politiques que des thèmes plus romantiques. D’ailleurs c’est avec romantisme qu’il parle de la reine dans Rule Nor Reason en 1999, un extrait de son album Reaching The Converted. Il l’imagine seule sur son trône à écouter des disques de Shirley Bassey en regardant par la fenêtre et pleurant. Une bonne chanson pour terminer, n’est-il pas ?
Il y en a certainement d’autres des chansons méchantes, d’autres doigts d’honneur à la royauté, mais on peut dire que le règne de la Queen Elisabeth s’est passé, du côté British Rock, de façon paisible et sans grosse vague. A part, peut-être et même pas sûr, la vaguelette punk et les Sex Pistols qui font aujourd’hui partie du folklore anglais. De toute façon, elle avait certainement d’autres problèmes que ces petits troublions en colère. Laissons the mot of the end à un français :
A lire un article qui m’a bien aidé dans le Courrier International
Et pour être complet, le numéro de l’Aéroplane Blindé consacré à la Dead Queen. Bonne écoute.
Très belle conclusion de notre Philippe.
Et j’adore la réponse de Bowie à l’honneur qui lui est proposé.
Excellent article !
Savoureux!
Merci les gars !
Alors très d’accord avec les deux gars Princecranoir et Blackbonnie et grand merci pour le lien à Courrier international, très bonne journée