Goulument

Qu’est-ce qu’ils avaient tous, à Cannes, cette année-là (2001), à cracher sur le film d’ouverture ?
Moulin Rouge ne leur plaisait pas parce que trop romantique, histoire fleur bleue de midinette à l’eau de rose… A croire qu’ils n’ont jamais été amoureux, ces andouilles, et qu’ils n’ont jamais réfléchi à l’influence de la chanson populaire sur nos états d’âme.

Bande originale goulue

Non seulement le film de Baz Luhrmann est brillant, mais il bénéficie en outre d’une bande originale plutôt écoutable. Mieux, même. Bien que puisant dans un répertoire large, elle n’est pas une compilation mais une réorchestration de plusieurs chansons ayant l’amour pour thème, la plupart du temps chantées par les acteurs eux-mêmes, la délicieuse Nicole Kidman, Ewan McGregor ou Jim Broadbent. Et puisque je parlais de l’influence des chansons sur nous, j’ajouterai que, m’étant procuré le CD cet été à Albuquerque, New Mexico, vous comprendrez que son écoute est chargée pour moi de souvenirs. Le reste ne vous regardant pas !

L’album débute par David Bowie (c’est le rédac-chef qui va être content !) et s’achève sur David Bowie (oh là là, qu’est-ce qu’il va être content !)

Entre temps, on entend du… David Bowie , « Diamond Dogs » par Beck et un petit bout de « Heroes » par Nicole Kidman et Ewan McGregor (faut que j’arrête, on va croire que je fais de la lèche !).
Vous avez bien lu, ce sont les acteurs du film qui chantent, et pas comme des casseroles. Ils sont en outre bien entourés (par ordre d’apparition sur l’album, outre les déjà mentionnés : Christina Aguilera, Fatboy Slim, Bono, José Feliciano, Massive Attack…). Nicole Kidman entonnant le « Diamonds Are A Girl’s Best Friends » ne fera pas rougir Marilyn. Et lorsqu’avec Ewan McGregor elle s’attaque à « Elephant Love Medley », dans lequel on reconnaît au passage des compositions de Phil Collins, Paul McCartney, Elton John, Jack Nitszche et quelques autres, c’est un petit bonheur !

Scène de Moulin Rouge

Car, ici, tout est affaire de réinterprétation, un peu à la façon d’un standard de jazz qu’on se réapproprie. Il faut ainsi écouter le « Roxanne de Sting » devenir un superbe tango, ou le déjà cité « Diamond Dogs » de Bowie complètement transformé par Beck. Une petite curiosité, lorsque Rufus Wainwright reprend « La Complainte de la Butte », une chanson écrite par Jean Renoir pour son film French Cancan. Les British ne connaissent évidemment pas l’argot français et, au lieu de chanter

« Mais voilà qu’il flotte, la lune se trotte, la princesse aussi », Ewan dit : « Mais voilà qu’il trotte, la lune qui flotte, etc. » Nobody’s Perfect !

Quant au film de Baz Luhrmann (auteur du Romeo + Juliet avec Leonardo Di Caprio), il est loin de ces reconstitutions ennuyeuses à force de costumes et de détails historiques qui, régulièrement, nous bassinent. On est dans le Paris de Toulouse-Lautrec, mais un Paris bousculé à grands coups d’images de synthèse (comme un gosse qui a un nouveau jouet, Luhrmann en fait souvent un peu trop, usant et abusant de mêmes plans), avec une musique typiquement années 80. C’est la grande trouvaille du film, qui renouvelle ainsi le genre « comédie musicale ».
Moulin Rouge ? A voir sur grand écran et à savourer sur platine !