Alors celui-là, combien de fois l’ai-je écouté ?
Et je l’écoute toujours avec gourmandise.
Combien de fois ai-je vu le film ?
Et je viens de le revoir avec jubilation une dizaine de fois pour rédiger cet article.
Je ne compte plus car quand on aime, on ne compte pas et chaque fois que j’aimais je le montrais à celle qui me retournait le cœur. C’était un bon test. Si elle aimait elle avait une chance de durer, si elle n’aimait pas, ou pire était indifférente (vous savez quand vous demandez : »Alors t’as aimé ? » et qu’elle, ou il, réponds : « Ouais, c’était pas mal. »), c’était la porte direct, case départ sans toucher vingt mille.
Brian is in the elevator
Un vrai film rock and roll. Tous les clichés de la profession, le sexe, la drogue, le succès, la déchéance, les paillettes, les escrocs, la misère sont racontés, exagérés, caricaturés (euh… vraiment ?). Tout ça filmé de mains de maître par Brian De Palma.
Le film est ce qu’on appelle un film culte (non, pas un film de culte !). Peu de succès à sa sortie mais un classique important du cinéma aujourd’hui. J’ai pu interviewer quelques participants et je les remercie de leur franchise et de leur disponibilité. Quand on les voit en vrai, ils sont vach’ment sympas, plus petit qu’à la télé, mais vach’ment sympas* !
J’ai eu l’idée du film dans un ascenseur en écoutant une chanson des Beatles en version musak. Et je me suis dit, ils prennent une œuvre magnifique et originale et ils en font une musique d’ascenseur.
Brian de Palma
Paul Williams, acteur, compositeur, inter… etc.
D’ailleurs je n’en parlerai pas, du film, (enfin, si, un p’tit peu) je laisse ça à notre spécialiste Kanibalekter s’il en a envie. La bande son se suffit à elle-même. Elle est signée Paul Williams. Paroles et musiques. Paul Williams est auteur, compositeur, interprète et acteur. Il a écrit des succès pour Barbara Streisand, The Carpenters, The Monkees et même pour David Bowie (Fill Your Heart sur Hunky Dory).
On avait pensé à Mick Jagger et David Bowie pour jouer le rôle de Swan.
Ed Pressman – Producteur
Paul Williams joue également le rôle du producteur véreux, patron du label Death Records, Swan. Celui qui a signé un pacte avec le diable et va voler la musique de Winslow le pauvre artiste lésé, exploité, spolié, emprisonné, défiguré qui deviendra le Phantom of the Paradise.
On m’a présenté à Brian et ce grand visionnaire a dit : « En plus d’écrire les chansons, tu pourrais jouer le rôle du Phantom. » J’ai répondu : « Je suis pas assez grand pour faire peur. Laisse-moi jouer le rôle de Swan. Je ne veux pas être volé, je veux être celui qui vole la musique.«
Paul Williams
Pour ce film il s’amuse avec brio et une certaine facilité à composer le personnage d’un patron de maison de disques tout puissant, un impresario imbuvable, puant, démoniaque qui mène son petit monde à la baguette. Il profite de sa position pour faire la pluie et le beau temps
Les impresarios du rock nous font rire tous les deux. Leur ego, leur look, leurs attitudes… Swan m’a toujours été inspiré par Phil Spector. Très petit, napoléonien, obsédé par le pouvoir. Toute son apparence. Paul était parfait, son physique est unique.
Brian de Palma
Paul Williams à la baguette
10 titres qui balaient les différentes tendances de la musique anglo-saxonne : pop music, rock’n’roll, hard rock, ballades, country music, glam rock. Un véritable exercice de style. Chaque titre touche sa cible en plein cœur.
Le plus grand groupe de wockanwoll du monde, The Juicy Fruits (hommage au groupe Juicy Lucy, premier groupe de Paul Williams), ouvre le bal et le film avec Goodbye Eddie, Goodbye. L’histoire déchirante de la sœur d’Eddie, Marie-Louise, qui a besoin d’une grave opération. Une mélodie inoubliable, des chœurs dignes de l’armée rouge et une chorégraphie qui ferait passer Pina Bausch pour une animatrice de MJC en maternelle qui fait danser tes enfants déguisés en poule. Peter Elbling un des chanteurs fous se souvient :
J’étais aussi chorégraphe. J’ai eu ce boulot très facilement. J’étais à une fête la veille du début du tournage. J’étais assis à côté de Brian. Il a dit : »Il me manque un chorégraphe. » J’étais intéressé, et il m’a pris.
Peter Elbling
C’est facile d’inventer des chorés idiotes. Je peux en trouver des milliers. J’ai inventé tous les pas de danse.
Une performance de haut vol par Archie Hahn (le chanteur), Jeffrey Comanor et Peter Elbling (les choristes fous), les trois qu’on retrouve au cours du film dans The Beach Bums, le surf group qui se fait exploser puis dans The Undead qui fabrique Beef.
The Hell Of It clôture le disque et le film. Mais cette chanson ne devait pas servir de générique de fin. Vas-y Paul raconte :
Après la mort de Beef, il y avait une superbe scène dans un cimetière pour son enterrement. Le cimetière est recouvert de neige, la tombe est ouverte et les gens pleurent autour. Les gens chantent pour lui.
Paul Williams
On remarque des câbles sur le sol et la caméra les suit jusqu’à un corbillard. A l’intérieur, Swan enregistre les funérailles. C’était superbe et j’ai écrit « The Hell Of It » pour ça.
A la fin de la chanson, le cercueil descend dans la tombe, une petite fille s’enfuit et les gens se mettent à danser comme dans un Fellini. Et ça s’entend dans la musique… Très Félliniesque. Et ce bruit de claquettes c’est la petite fille qui auditionne pour Swan. Elle saute sur le cercueil et fait des claquettes.
La scène ne sera jamais tournée soit par manque d’argent, soit parce qu’ils n’ont pas réussi à trouver un cimetière sympa. C’est Paul qui le dit.
Gerrit Graham et Jessica Harper
Entre les deux, des ballades pops, tendres et mélancoliques avec en point d’orgue la magnifique chanson interprétée par Jessica Harper, Old Souls, sur l’amour qui défierait le temps et les époques. Bien sirupeuse, bien larmoyante, une réussite. Jessica Harper, actrice de comédie musicale fut engagée par De Palma qui l’avait vue à Broadway et qui trouvait sa voix incroyable.
Autre grand moment, l’énorme performance de Gerrit Graham dans le rôle de Beef, le hard-glameur qui massacre de bien belle façon les chansons de Winslow Leach (vous ne savez pas qui c’est ? Regardez le film !). Entre Bowie, Alice Cooper, Slade et Black Sabbath, The Undeads vont couper des morceaux de spectateurs pour créer, à l’image de Frankenstein, cette créature plus drôle qu’effrayante. Seulement voilà, Winslow devenu Phantom, ne l’entend de la même oreille et cuit le Beef un peu trop à point.
Pourtant, Beef avait été averti sous la douche dans une scène culte et mémorable dans laquelle sa bouche rencontre avec effroi une ventouse. Pour cette scène un plateau spécial avait été aménagé. Deux parois pouvaient être enlevées pour laisser la caméra tourner autour de Gerrit Graham en train de chanter sous la douche. Cette scène, hommage parodique à Psychose est un fuck aux critiques :
Brian avait été très critiqué pour « Sœurs de Sang », où il aurait plagié Hitchcock. C’est sa manière de se moquer de cette idée, de parodier la scène du meurtre sous la douche. Au moment où on pense que Beef va être poignardé, il sort sa ventouse de plombier.
Paul Hirsch – Monteur
Paul Williams confiera à Ray Anthony le soin d’interpréter la partition de Beef avec cette voix bien rocailleuse et s’excusera plus tard auprès de Graham de ne pas l’avoir auditionné. La scène de la douche montrant que l’acteur savait chanter.
C’est exagéré, votre Honneur
Le film a eu 4 procès sur le dos.
Les BD King Features éditeurs de Comics, avaient un personnage appelé Phantom. C’est pourquoi le titre original du film, Phantom, se transforma en Phantom Of The Paradise.
Universal se plaignit que le film était un plagiat de leur film Le Fantôme de l’Opéra.
Le manager d’un musicien de rock qui était mort électrocuté sur scène fut choqué de voir la scène où Beef se prend le jus devenir un moment comique.
Led Zeppelin avait un label qui s’appelait Swan Song. Le nom du label (de Cadix) de Swan se transforma en Death Recods :
On a du enlever « Swan Song » de toutes les scènes du film. C’est terrible de voir ces caches qui tremblent pour cacher Swan Song partout. On a du couper des plans.
Brian De Palma
Y’en a qui ont vraiment que ça à foutre !
Post Coïtus
*Bien entendu, je n’ai rencontré ni Brian de Palma, ni Paul Williams, ni Ed Pressman, ni Paul Hirsch. Vous êtes cons !
Les morceaux d’interviews sont extraits de l’excellent documentaire sur la fabrication et l’impact du film, « Paradise Regained », présent dans les bonus de la réédition du film en DVD de 2006. Excellente réédition.
Quelques cadeaux bonus pour la route.
Superbe! Mon film préféré avec The Blues Brothers! À quand une chronique (le bénéf!) 😉
Quel plaisir de lire cette chronique sur le film/la BO d’une œuvre majeure de Brian de Palma, un film que je ne me lasse pas de revoir, et une BO qui tourne périodiquement sur ma platine.
Je m’étais aussi fendu d’un hommage au film sur mon blog, mais sans avoir eu la chance de rencontrer tout ce beau monde 😉