Non, franchement, si on me l’avait dit, je n’y aurais pas cru. Pas cru que l’avant-première de « Mon cousin », samedi 14 mars dans l’après-midi, serait mon dernier film visionné en salle avant longtemps. Vincent Lindon et François Damiens étaient annoncés, et ils sont venus, ce qui fait qu’il y avait du monde. Et quand on apprit, peut-être une heure après être sorti, que les cinémas seraient fermés jusqu’à nouvel ordre à partir de minuit, je n’aurais certainement pas choisi « Mon cousin » de Jan Kounen comme dernier film des derniers jours du reste de ma vie de confinement.
Parce qu’entre nous, on s’en doutait mais le film nous le montre assez clairement, Jan Kounen n’est pas à l’aise avec la comédie. Lui, avec des films tels que « Doberman » ou « Blueberry », on le reconnaît plutôt à ses plans incongrus et à son rythme forcené. Après, on aime ou pas. Pour ma part, la réponse est non. Quant à son essai d’aborder la comédie avec « 99 francs », il n’était pas complètement transformé, certains passages étant pas mal et d’autres complètement nazes.
Un emmerdeur qui n’arrive pas à la cheville de Jacques Brel
« Mon cousin » est donc une comédie, une de celles qu’aurait pu signer Francis Véber : un mec sensé et très occupé est soudain affligé d’un véritable boulet, un cousin dont pas grand monde ne voudrait dans son arbre généalogique. Bon, un tel sujet chez Véber est assez souvent adroitement mené et, quel que soit le degré d’appréciation qu’on lui porte, contient des dialogues qui font mouche. Il n’est qu’à penser à « L’emmerdeur », « Le dîner de cons » ou « Tais-toi ». Tous ont du rythme et de l’humour et chez tous, le personnage dont on se débarrasserait volontiers a un côté attendrissant qui fait pencher la balance naturellement vers lui.
A-t-on trop vu ce genre de sujet pour être encore séduit par un duo improbable ? Celui formé par l’homme d’affaires hyper sérieux Vincent Lindon et son lunaire cousin François Damiens ? Le chemin est tellement balisé que leur parcours ne nous intéresse plus. Ni ne nous fait rire ni ne nous attendrit. Et cela ne tient pas aux acteurs qui font leur boulot correctement. Plutôt à une mise en scène passe-partout, ne sachant utiliser aucun ressort comique. Bourrée de scènes inutiles et de comédiens sous-employés : on pense à Pascale Arbillot ou même Alix Poisson. C’est désolant de voir autant de gens qu’on apprécie n’avoir à ce point rien à défendre de consistant. Une séquence se veut directement liée au style Kounen, celle de l’accident d’avion. Elle est tellement en-deçà de tout ce qu’on a pu voir récemment au cinéma qu’on se dit que, définitivement, non, le cinéaste n’est pas fait pour la comédie.
Dupontel en clin d’œil
Même ses clins d’œil tombent à côté parce qu’on a à peine le temps de les voir. Ainsi, dans la séquence où une psychiatre parle au téléphone avec Lindon pour lui parler du cas de son cousin, des fous se massent derrière une vitre. C’est tout juste si on reconnaît Albert Dupontel et il faudra attendre d’être chez soi pour rechercher qui sont les deux autres énergumènes à ses côtés, certains qu’il s’agit de célébrités : ce sont en effet Jan Kounen et Gaspar Noé. Mais on les aperçoit à peine.
« Mon cousin » devait sortir le 29 avril. La date sera-t-elle maintenue ? Le public aura-t-il le droit de sortir ? Mystère et boule de gomme, comme on disait dans le temps. A part qu’aujourd’hui, ce serait plutôt fake news et chewing-gum.
Là, en ce moment-même, je scrute de ma fenêtre la rue déserte. Mon voisin d’en face est mort mais il est interdit d’aller se recueillir sur sa dépouille, par risque de contamination. La police a d’ailleurs commencé à tirer à vue sur quiconque se risquait à l’extérieur. Pourtant certains bravent les mesures gouvernementales et on en voit parfois certains se promener sans but, les bras ballants, à la recherche d’un cerveau à dévorer. Bretzel liquide et pantoufle à bras, comme disait le Concombre masqué, je crois que je viens de m’endormir devant un épisode de « Walking Dead ».