Kaamelott, premier volet

Mais où sont les neiges d’antan ?

Kaamelott l'affiche

D’autres s’y sont cassé les dents, dont le plus illustre est quand même David Lynch. Aussi, peut-on juger sévèrement le « Kaamelott premier volet » d’Alexandre Astier en le comparant à la série qui fit les belles heures de la télé et les fait encore aujourd’hui par rediffusions. En atténuant la charge, tant il est évident qu’il n’est pas simple de passer d’un format à l’autre.

Qu’est-ce qui pèche, dans ce « Kaamelott » version grand écran ? La trop grande ambition, les trop gros moyens qui cachent le vrai sujet du film. Ah, certes, les producteurs y ont mis le paquet et l’on peut comprendre qu’Alexandre Astier, pourtant grand maître d’œuvre de son sujet, se soit pris au jeu du toujours plus. Toujours plus de beaux costumes, toujours plus d’effets numériques, toujours plus d’acteurs guests et de figurants. Mais à quoi bon tout cela si l’on n’a pas grand chose à dire de plus que dans la série, déjà réussie ?

« Pas changer assiette pour fromage »

Le vrai sujet du film est, c’est une évidence, le vieillissement et le découragement. Les personnages ne croient plus en rien, pas plus à la quête du Graal qu’aux pouvoirs d’Excalibur. Arthur, qu’Astier nous dépeignait au fil des épisodes comme plongeant de plus en plus dans la dépression, n’est pas au top niveau quand il apparaît dans l’histoire. Qui se passe une dizaine d’années après la série, comme le tournage s’est déroulé une dizaine d’années après aussi. En deux heures, on revoit tous ces personnages qui nous ont tant amusés à la télé et qui ne font plus grand chose au cinéma, qui ne semblent plus croire en rien et peut-être pas à ce film. Même le roi Loth, joué par le génial François Rollin, n’a plus le courage de finir ces citations latines. Clavier s’agite un peu, Antoine de Caunes fait de la figuration, le roi burgonde aussi. Ce qui est plus grave. Pas le moindre cri de « Couillère ! », pas la plus petite flatulence.

« Couillère ! »

Léodagan (Lionnel Astier) ouvre deux ou trois fois la bouche, Karadoc (Jean-Christophe Hembert) ne pense même plus à ce qu’il va ingurgiter. Perceval (Franck Pitiot) dit une connerie et c’est tout. Même la Dame du Lac (Audrey Fleurot) est en veilleuse. Et là, on commence à en vouloir à Astier.

La Dame du Lac, toujours bannie

Tout cela pourrait faire partie d’une histoire qui raconte la fin d’une époque (la gallo-romaine), le début d’une nouvelle (le Moyen-Âge chrétien) et le moral dans les chaussettes de tous ceux qui vivent ce changement. Après tout, tout le monde aujourd’hui comprendrait de quoi il est question vu le purin dans lequel on se vautre depuis quelques années. Le déclin de l’empire américain, les guerres de religions, l’épidémie, le foutoir politique, la bêtise des anti-tout, on trempe quand même dans ce genre de scénario depuis quelque temps.

Sting dans Kaamelott
An Englishman in Kaamelott

Astier aurait donc pu saisir cette ficelle-là et la tirer. Mais il n’en fait rien, en tout cas pas dans ce premier épisode. Il en a prévu trois. Va-t-il nous parler du présent à travers sa quête mystique ? Ça pourrait devenir intéressant parce que, pour l’instant, on croit regarder un blockbuster ricain joué par des Frenchies (à part Sting) et on a l’impression très nette que tout fout le camp. Et comme dit ma concierge, qui écrit des chansons, c’est la faute à personne…

Bravo pour Gallienne et Cornillac

Ne nous roulons pas pour autant dans la cendre pour clamer que tout est foutu. Le début du film est réussi. Un Guillaume Gallienne qui ressemble à s’y tromper au Arthur que l’on connaît, sans doute en un peu plus joufflu, nous joue un gars cynique et précieux qui n’hésite pourtant pas à trucider son prochain pour parvenir à ce qu’il cherche.

Guillaume Gallienne
Guillaume Gallienne ressemble au clone d’Arthur

Puis il croise Clovis Cornillac vêtu en oriental qui, lui aussi, cherche la même personne. C’est vif, bien réalisé, bien monté, bien joué, étonnant, amusant, filmé plein soleil (quand la série ne joue pas vraiment sur la lumière), avec des paysages et des costumes qui pourraient sortir de « Game of Thrones »… Bref, ça nous emballe direct et on se dit que la suite sera jouissive.

Clovis Cornillac
Clovis Cornillac et le jeu du trône

C’est là qu’il va falloir déchanter car, après une mise en bouche très appétissante, nous voilà revenu à Kaamelott. C’est sûr, winter is coming, tous font la gueule. Peut-être que la vraie raison est que les anciens de la série (ils sont plusieurs dans cette scène) se voient mis dans l’ombre au profit de deux nouveaux venus qui attirent tous les regards des spectateurs : Sting en seigneur et la chanteuse Jehnny Beth en guerrière punk. Catastrophe. Le syndrome « Mad Max » aurait-il mordu les fesses d’Astier comme le Covid nous a mis à terre ? Certes, les costumes sont jolis mais on préfèrerait entendre les dialogues corsés auxquels on a l’habitude que de voir du joli monde joliment fringué mais qui ne dit rien de bien passionnant.

Kaamelott, un blockbuster qui tonne

À partir de là, rien ne va plus, faites vos jeux. Les personnages appréciés dans la série sont présents sans rien faire. Les effets spéciaux numériques copient « Le seigneur des anneaux » (le dieu géant qui se dresse soudain derrière un château), « Star Wars » (le combat avec Excalibur), « Lawrence d’Arabie » (la séquence dans le désert) ou n’importe quel film hollywoodien (le combat et la destruction du château) et puis voilà.

Le désert de Kaamelott
Si tu ne regardes pas « Lawrence d’Arabie », tu seras privé de désert

À part ça, pas grand chose à se mettre sous la dent comme aurait pu pleurer Karadoc. Et c’est dommage. Car Astier est doué, talentueux, bon scénariste, bon réal, bon musicien. Va-t-il se ressaisir dans l’opus 2 ? L’histoire nous le dira.

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. blackbonnie64 dit :

    Analyse très intéressante, à mille lieues du contenu lénifiant et habituel des diverses analyses promotionnelles. Je vais quand même aller le voir.

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