Aveu : à l’époque où j’ai écrit l’article qui suit, je n’appréciais pas le travail de Luc Besson. De l’eau a coulé depuis, de quoi faire quelques heures d’apnée en plus, et… je n’apprécie toujours pas l’œuvre de Luc Besson. Ce n’est pas une raison pour bouder son travail lorsque, par hasard, on se retrouve en phase.
Kanibalekter, le 06/07/2021
Où y’a d’la Jeanne, y’a du plaisir
Les copains avec qui j’aime parler cinéma ont été étonnés de m’entendre défendre le « Jeanne d’Arc » de Luc Besson. Il faut dire que le trou du Luc, creusé à grands coups de films porteurs dans le monde du cinéma, n’est pas très profond à mon goût. Et tant pis si des milliers de spectateurs me contredisent. Vous pourrez me torturer, me forcer à revoir « Le grand bleu » ou me plonger la tête dans une bassine, je ne dirai pas le contraire.
Mais alors, que se passe-t-il avec « Jeanne d’Arc » ? Curieusement, il semblerait que les adeptes de Besson n’aiment pas particulièrement son dernier opus. Ceci justifierait-il cela ? Je me plais à voir dans un film autre chose que ce que l’on nous montre à l’écran. Et dans « Jeanne d’Arc », on ne visionne pas la énième hagiographie filmée de la Pucelle. « Jeanne« , comme Mady, me plaît (celle-là, elle vient de loin) et j’y verrais même volontiers trois lectures possibles.
Lecture profane
Jusqu’à présent, en tout cas au cinéma, il ne faisait aucun doute que la Jeanne était une sainte. Livrée avec tous les accessoires : bourdonnement dans les oreilles (« va-t-en bouter les Anglois hors de France » lui crioient les moutons, elle sur la route qui poudroit et eux sur l’herbe qui verdoit), auréole en guise de serre-tête et martyr à petit feu. Ce coup-ci, Luc a bûché un max et nous a mitonné une Jeanne complètement différente, non pas dépoussiérée mais carrément lessivée au déodorant (ça enlève les auréoles, au moins sous les bras). Quid de la sainteté ? Il n’en reste plus bézef, semble nous souffler le cinéaste. Jeanne est du genre frappadingue, à trouver des épées dans l’herbe, à voir passer dans le ciel des nuages sortis des « 10 commandements », version accélérée, à discuter avec sa conscience qui a pris le blaze de Dustin Hoffman quand elle aurait pu ressembler à Claudia Schiffer. Bref une illuminée, quoi, traumatisée par le viol de sa sœur sous son nez. Bonjour le symbole du renouveau de la France, y’a des partis politiques qui vont faire la gueule.
Lecture politique
Justement, la politique est présente dans « Jeanne d’Arc ». Ce qui, là aussi, est une nouveauté. Que nous raconte le film ? Que ceux qui veulent la mort de Jeanne (le roi, la reine mère, ses conseillers) et la livrent aux Anglois ne sont pas de fieffés salauds, seulement des gens qui ont une vision politique clairvoyante. Car avec ses grands rêves de chevauchées fantastiques pour foutre la pâtée aux ancêtres des Beatles, avec ses envies de paix, Jeanne n’est qu’un instrument de la guerre. L’arrêter, la livrer, donc la tuer, c’est tenter de ramener la paix dans un pays meurtri par les combats depuis presque cent ans.
Lecture amoureuse
Un racontar (vrai ? Faux ? Peu importe, seul ce genre de légendes de cinéma compte) dit que Luc Besson, maqué avec Milla Jovovich lors du « Cinquième élément », avait perdu le cœur de son actrice et que c’est pour la reconquérir qu’il l’a dirigée dans « Jeanne d’Arc ». Peine perdue, d’ailleurs, à ce qu’on dit. Quand il la tient sous sa coupe, Luc fait de Milla (dans « Le cinquième élément ») une perruche qui babille, charmante quand on ne comprend pas la langue, ne disant rien d’important sitôt qu’elle se met à causer un langage idoine. Par contre, quand il lui court après, il montre d’elle une image sublimée, perdue au cœur même des batailles, lointaine, comme elle pouvait lui apparaître désormais. « Jeanne » devient donc une déclaration d’amour à son interprète, d’autant plus que cette dernière se révèle une actrice étonnante, à la hauteur face à Faye Dunaway, John Malkovich, Dustin Hoffman, Vincent Cassel, Tcheky Karyo, excusez du peu.
Luc Besson a des idées
Après « Le dernier combat », « Jeanne d’Arc » est le deuxième film intéressant dans la carrière de Luc Besson, ni creux (« Le grand bleu« ) ni niais (« Léon ») ni tourné à la photocopieuse (« Le cinquième élément »). Un film où il exprime une ou deux idées. Ce qui est pas mal pour un début !