D’où viennent les idées ? Certains seraient prêts à passer quatre heures de leur bac de philo sur cette question épineuse tandis que d’autres hausseraient les épaules en assurant qu’ils n’en ont rien à carrer.
Non mais, sérieusement et toute blague mise à part, d’où viennent les idées ? Quelques-unes sont recyclées, d’autres naissent spontanément dans un esprit enfiévré, d’autres encore paraissent nouvelles alors qu’elles ont été vues et tellement digérées qu’on pense qu’elles viennent d’atterrir dans ce même esprit enfiévré dont on parlait il y a peu.
Metro, boulot, dodo
Tout cela pour en venir où ? J’ai vu que l’autre soir, à la télé, passait « L’attaque du métro 123 » (2009) de Tony Scott, dans lequel le méchant John Travolta prend des otages dans un métro et veut se faire livrer une grosse somme de dollars par un employé qu’il a eu par hasard au bout du fil et qui n’est autre que le gentil Denzel Washington. Bon, le film se laisse voir sans ennui mais c’est tout. Outre les deux stars et la présence du regretté (et ici économisé) James Gandolfini, il n’y a pas grand chose à retenir de ce « Pelham 123 », le titre original.
Comme le film avait déjà démarré et que j’ai horreur des coupures pub, je me suis rabattu sur ma vidéothèque et j’ai revu le film en DVD. Et appris au passage, car je l’avais totalement oublié, que c’était le remake d’un précédent « The Taking of Pelham 123 », devenu en français « Les pirates du métro » et réalisé par Joseph Sargent en 1974. Le rôle de Travolta y était tenu par Robert Shaw, le solide marin des « Dents de la mer » et le gangster de « L’arnaque ». Quant au personnage de Denzel Washington, Walter Matthau lui prêtait sa trogne sympathique. Celui qui allait, dans la version suivante, devenir un employé du métro était ici un flic.
J’avoue que je connaissais pas ce film et qu’en y regardant de plus près, grâce à Wikipédia, j’ai appris ceci : « Quentin Tarantino s’inspirera des noms des personnages pour son film « Reservoir Dogs » en 1992. Le réalisateur utilisera des couleurs comme noms de code des bandits. »
Un film en couleurs
Rappelons que dans le magnifique « Reservoir Dogs », Harvey Keitel est Mister White, Tim Roth Mister Orange, Michael Madsen Mister Blonde, Steve Buscemi Mister Pink, Tarantino lui-même Mister Brown et Edward Bunker Mister Blue. Tandis que, pour les couleurs des pirates du métro, on trouve Bleu (Robert Shaw), Vert (Martin Balsam), Gris (Hector Elizondo) et Marron (Earl Hindman).
Comme quoi, une idée géniale (faut y penser, aux couleurs) peut être génialement reprise. Et ce n’est pas tout. Un des autres détails des couleurs de « Reservoir Dogs » est que les bandits se désignent ainsi car ils ne connaissent pas leurs véritables noms, hormis celui qui les a embauchés. Évidemment qu’après « Reservoir Dogs », Tony Scott ne pouvait reprendre à son compte les couleurs transformées en noms, tant cela fut remarqué chez Tarantino.
Revenons à ces identités inconnues qui se dissimulent derrière l’arc-en-ciel. Dans Kansas City Confidentiel (1952, Le quatrième homme), le cinéaste Phil Karlson utilise le même ressort. Les bandits sont convoqués pour un casse sans se connaître et aucun, en cas de capture, ne pourra livrer le nom de ses complices. En grand cinéphile, Tarantino connaît ce film et ne peut qu’admirer son auteur, un maître de la série B.
D’où viennent les idées, alors ? Celles qui nourrissent les classiques ? Tout bonnement de la connaissance, de l’admiration et de l’art de faire du neuf avec de l’ancien, de rajeunir les scénarios en leur donnant une touche totalement personnelle. En tout cas, ce qui est clair, c’est que les idées de « Reservoir Dogs » proviennent du cerveau d’un artiste qui aime et connaît son métier.