Il faut que la première phrase commence comme le riff de « Jumpin’ Jack Flash », qu’il y ait un couplet, un refrain et un solo dans nos articles
Nick Kent et Lester Bangs
Est-ce qu’écrire en introduction : « Il faut que la première phrase commence comme le riff de « Jumpin’ Jack Flash », qu’il y ait un couplet, un refrain et un solo dans nos articles » fait que cet article commence comme le riff de Jumpin’ Jack Flash ? Elles ne vont pas me dire le contraire, le deux légendes !
Tout ça pour parler d’une compilation à la con, symbole d’une époque (les années 80 mais surtout 90) où il fallait tomber de la compil pour faire des pubs télé et se retrouver en vente en tête de condole dans les hypers. Donc les maisons de disques, Polygram en particulier, exploitaient un fond de catalogue déjà bien rentabilisé pour faire encore plus de frics sur notre dos et celui des artistes, et des gogos abrutis et lobotomisés qui poussaient leur caddy dans les allées des temples de la consommation. J’ai classé cet article dans la catégorie Reprises/Covers car nos valeureux rockers français passaient leur temps à reprendre des titres américains. CQFD.
Voilà pour le refrain que vous pouvez répéter ad vomitum entre chaque paragraphe.
Compil, compila, compilation
Cette compilation intitulée pompeusement Générations Rock’n’Roll regroupe sur deux CD la crème du rock français. Ou presque. Bien sûr 5 morceaux de Johnny Hallyday et 4 de Gainsbourg (dont on se demande bien ce qu’il fout ici lui. Johnny on peu comprendre puisqu’il a été labélisé roi du rock en France. Juste en France. Mais Gainsbourg…) pour rentabiliser encore et encore un répertoire « compilationné » à outrance, et puis les deux artistes font partie de la maison donc rien à payer. Et ça rempli les pistes pour montrer que y’en a un paquet et que tu vas en avoir pour ton argent. Le plus marrant et ça montre bien que nous avons un sérieux problème en France avec le rock, la compile a pour partenaire, Skyrock la radio FM spécialisée dans le rap et le R&B. Putain…
Ah, et puis les textes du livret sont écrits par Vincent Palmer, en échange de la présence de deux titres de son groupe Bijou sur la compile et Philippe Manœuvre, notre Jean-Pierre Pernod du rock. Quoi d’autre ? Eddy Mitchell a deux titres sans écrire de texte sur le livret, Dutronc, Aufray et Ferrer, un chacun. Si peu pour ne pas faire de l’ombre à notre monument national.
Voilà pour le couplet et il n’y en aura qu’un.
Dubo, du bon
Et maintenant, solo !
Malgré tout, cette compile que je n’ai pas achetée, je vous rassure (d’ailleurs ne l’achetez pas, volez-la ! Voler des voleurs, c’est voler ?) contient quelques curiosités tout de même. Rocky Volcano avec 24 Mille Baisers, Nicole Paquin avec Comme un Clou du spectacle, Les Lionceaux, Long Chris et ses Daltons, 5 Gentlemen et Hector & Les Médiators qui lui, pour le coup, devait être le seul vrai rocker de tous. Le Chopin du twist qui promenait un bouffon tenu en laisse; outre les reprises habituelles de succès américains, il interprétait ses propres chansons signées Jean Yanne et Gérard Sire et son sens de la provoc avait peu de limites. Jean Yanne lui dit un jour : « D’aller se faire cuire un œuf sur la flamme du Soldat Inconnu ». Il l’a fait et ça a bien foutu l’bordel place de l’Etoile.
Quoi d’autre ? Les Variations complètement ignorés en France, qui s’exilent au US et enregistrent ce titre, qui fait un bide, peut-être parce qu’en anglais. On est en 1972. Quelques années plus tard, Téléphone prendra le créneau resté libre. Autres présents intéressants sur cette compilation, Trust avec une version live d’Antisocial, les lyonnais de Starshooter et Stinky Toys avec Elli Medeiros et Jacno. That’s all Folks.
Pub télé
Mais tout est cohérent. Le côté mercantile des majors s’applique jusqu’au contenu. Vous connaissez la règle économique des 80/20 ? Là, pareil. 20% à garder, 80% à jeter. Pas parce que c’est mauvais (pas tout !) mais juste parce que déjà présent sur d’autres compilations « VU A LA TELE » et exploité encore et encore sur les compiles à venir, toujours « VU A LA TV » comme si c’était un gage de qualité. D’ailleurs, je vends mon exemplaire et c’est ici pour payer.
There’s no business like show business. Gnark, gnark, gnark !
Prochaine compile : Piaf ou Fréhel ?
Ah ces compils indispensables, incontournables et déjà dans les bacs qui, un peu comme les marronniers de l’actualité, fleurissent au moment opportun grâce aux cravatés du marketing discographique. Faut bien titiller le blaireau en ouacances avec des Super Hits Mégé Teuf, séduire l’adepte de la magie de Noël avec Tino Roussi et ses lutins du White Christmas et titiller le nostalgique des temps jadis avec des fonds de tiroirs usés jusqu’à la corde… Platon disait » si tu veux contrôler le peuple, commence par contrôler sa musique ». Ce à quoi j’ajoute sans sourciller: « et n’oublie pas de le lobotomiser en lui laissant croire qu’il est au fait de ce qui se fait de mieux en terme de culture musicale ». Putain il en faut du courage et de l’abnégation pour échapper à toute cette soupe totalement indigeste! Vomito ergo sum, sum res vomitans!
BB, dimitte illis, non enim sciunt, quid faciunt.
Oui aussi!