Avec son comptant de Quentin
En lisant les passionnants articles de Glob, on se rend compte combien l’été a été musicalement à la reprise. D’Elvis par-ci, de Piaf et Fréhel par-là, de rock (Boucherie ou pas) pour emballer le tout, des reprises comme s’il en pleuvait — et il n’a pas plu bézef ces derniers temps.
Bref, les musicos ont de tout temps couru après leurs idoles et c’est marrant parce que cet été, étant en Italie (bon, je vais pas vous raconter ma vie, après tout vous n’en avez rien à secouer)… Tout ça pour vous dire que le soir, en Italie donc, après l’apérol spritz, la pizza et la balade digestive, vous allumez la télé et zappez aussitôt parce que là-bas, question pub, ils battent nos records. Bref, vous trouvez enfin une chaîne YouTube et vous vous faites quelques-unes des vidéos proposées. Où l’on voit des brochettes de stars (Clapton, Santana, Knopfler et quelques autres) entourer, comme de sages enfants qui bavent devant leur maître, qui BB King, qui John Lee Hooker et c’est magnifique. Comme un conte de fées qu’on vous lit avant d’éteindre la lumière et vous vous endormez comme un bienheureux, bienheureux d’avoir vu et entendu ces fabuleux concerts.
Déjanté comme on l’aime, le Brad
En cinéma, c’est un peu pareil, il y a toujours eu des repreneurs, certains assumés, d’autres en cachette. Prenons « Bullet Train », le film de David Leitch dont on a pas mal parlé cet été parce qu’il n’y avait sans doute pas grand chose à se mettre sous la dent. Et parce que Brad Pitt y jouait un de ses personnages comme on les aime, passablement déjantés. Ce qui lui avait par le passé bien réussi, de « L’armée des 12 singes » à « Snatch ».
« Bullet Train » démarre à fond la caisse dans le train qui relie Tokyo à Kyoto avec une flopée de tueurs à gages dont on comprend peu à peu qui ils sont et ce qu’ils cherchent exactement. C’est plutôt amusant, parfois un chouïa longuet et surtout, surtout, avec ses longs tunnels de dialogues décalés — proches de ceux de « Pulp Fiction » ou « Reservoir Dogs » —, avec sa violence graphique, avec ce mariage qui finit dans un bain de sang — « Kill Bill » —, avec ses emprunts à tous les genres cinématographiques d’action, « Bullet Train » ressemble à du Tarantino sans en être. Car il manque ce je ne sais quoi qui fait tout l’intérêt des films de Quentin.
Ça pétarade dans tous les coins
Bon, soyons honnêtes, « Bullet Train » vous fait passer un bon moment tant ça pétarade dans tous les coins. Tant ça se dégomme avec une vitesse encore plus grande que celle à laquelle roule le train. Et tant personne ne se prend au sérieux. Avec toujours un détail qui vous fait sourire au plus fort d’une action violente. Ainsi, lancé comme un bolide, le train freine-t-il brusquement ? Bien sûr, Brad Pitt traverse l’écran à l’horizontale, projeté par la secousse, et se paie au passage un bol en inox qui suivait la même trajectoire, mais moins vite.
Chemin faisant, on s’attache à ces étranges brutes maladroites qui accumulent les erreurs. Aux côtés de Brad Pitt, on trouve ainsi ce duo impayable que sont Aaron Taylor-Johnson et son accent british à couper à la tronçonneuse et son compère Bryan Tyree Henry, obsédé par Thomas the Tank Engine, une série pour gamins dont le héros est une petite locomotive et dont le tueur tire toute sa philosophie. Leurs patronymes de guerre, c’est Tangerine et Lemmon, soient Mandarine et Citron. Des noms de code à la con qui, là encore, veulent faire tarantinesques. Il y a encore ce Mexicain irascible, joué par le rappeur Bad Bunny, qui retrouve au générique son véritable nom de Benito A. Martinez Ocasio. Un con grandiose (le personnage, bien sûr).
Des méchants, dans le film, il y en a à foison car personne n’est clean dans l’affaire. Mais les acteurs qui les jouent sont tellement sympas qu’on serait prêt à leur pardonner n’importe quoi, même d’avoir chopé le pot de confiture planqué tout en haut du placard. Il n’y en a qu’un pourtant, qui que vous soyez y compris saint François d’Assise, à qui vous n’aurez pas envie de pardonner chipette. C’est le méchant avec un grand M, un vilain comme on les aime. Inutile d’en dire plus, ce serait en dire trop.
Je sens venir le film culte à grande vitesse.
J’ai pas pris ce train cet été, je me suis contenté de la bande-annonce en pleine face (j’en ai encore les traces). Malgré les éloges, je reste à quai pour l’instant.