Frailledésong – Blanche

– C’est donc ça la salle de l’Européen ?

– Oui

– Bin c’est bien comme ça

– Euh oui mais y’a rien, c’est brut

– Pas grave… Attends… Allo, José ?

– José Garcia ???

– Non, Martinez, mon voisin.
Excuse je parlais à ma cliente. Dis donc José t’as toujours ta machine à peindre ?…. Ouais, un pistolet, tu l’as toujours ? … et t’as d’la peinture noire en stock ?…. Bon super. T’es dispo quand, parce que j’ai un mur à te faire faire… Ah ouais c’est grand… Et c’est haut… Super… OK… tu donneras ton nom au gardien il te fera rentrer… Ah, José, tu verras, y’a des radiateurs, tu t’emmerdes pas les doigts, en noir aussi… Allez, bises.
Bon, bin on a déjà notre décor !

– Ah oui ? Ca va être très brut de décoffrage…

– Oui c’est toi la vedette, pas le décor, pas les falballas, toi uniquement toi.

– Bon on attaque les répèts quand ?

– Tout de suite, tu vas voir, c’est simple. Tu rentres sur scène, pas trop vite, tu marches normalement, tu tiens le micro sensuellement, je dirais même fellationeusement, pas mal non ? tu vois l’truc… et TU NE BOUGES PLUS ! Les pieds écarté à 30/35° max. Si tu as des envies de bouger je t’accorde jusqu’à 38/39° mais pas plus. C’est toi la vedette Blanche, ok ? C’est ton texte, tes mots, c’est ton visage, ok ?

– Je viens quand même pas à poil sur scène…

– Bonne idée ! Naannn, j’déconne ! Ah, ah, ah, t’as eu peur… Non j’ai ma femme qui a sa nouvelle machine à coudre, elle est en train de te faire une robe magni, euh… comment elle dit la pétasse d’M6… magnifayekeu, ouais, bon, bref, on s’en fout, ta robe va être super.

Mise en scène

J’ai regardé et adoré le spectacle de Blanche Gardin, Bonne Nuit Blanche. Vraiment triste que ce soit fini, on en redemande. Au générique il y a : mise en scène Maïa Sandoz. J’ai eu du mal à visualiser le truc. Mise en scène, c’est un concept ? Quelle mise en scène ? Blanche, ne bouge pas de tout le spectacle. C’en est même un performance tellement elle ne bouge pas. Tout juste une petite cascade quand elle parle du moment où elle a du pisser dans un seau mais ça doit être pour lui dégourdir les jambes… et lui soulager la vessie.

Blanche Gardin taquine.

Quand vous pensez qu’il y a une gonzesse qui est payée, et pas au SMIC, non, pour faire la mise en scène… Qu’est-ce qu’elle faisait pendant les répétitions ? Elle jouait à Mario Kart ? Je me moque. Je déconne. Je caricature empilant tous les clichés beaufs, racistes, misogynes, je sais, mais je vous emmerde.
Soyons sérieux. Le génie est justement dans le manque de mise en scène. Pas de bouffon qui court dans tous les sens. Le spectateur est suspendu au texte, au visage de Blanche, à ses mains, à tous ses petits gestes, ses regards, ses inflexions, ses génuflexions, ses moues, ses sourires moqueurs. C’est de la dentelle, de la macro mise en scène mais avec la précision d’une horloge Suisse, un mécanisme qui ne tombe jamais en panne et vous donne l’heure à la précision.

Blanche immaculée

J’adore Blanche Gardin. Elle est la Coluche du XXIème siècle. Elle n’est pas politiquement correcte et elle fait un peu tâche dans notre société policée et catho ou chaque mot de travers est sujet à effroi, à scandale. Et des mots de travers, elle en a un paquet. D’ailleurs, son spectacle est de travers. Comme Coluche, elle parle cru, elle parle cul, ne s’interdit rien et, comme Coluche, hors spectacle ses sorties sont toujours de grands moment d’humour et de dérision. Sa sortie sur Weinstein et les actrices est quand même un grand moment qui a fait tiquer les rombières bien pensantes de la manif pour tous. Euh, pour tous, euh, pas moi, dac ?

Son spectacle est un véritable tour de force. Elle sort son texte tout naturellement, comme si elle tenait une conversation. Elle passe d’un sujet à un autre donnant l’impression qu’elle vient de penser à un truc et qu’il faut qu’elle en parle. Comment elle fait ? Pas de sketchs dans le spectacle de Blanche Gardin, juste une conversation, un long monologue pendant lequel elle parle aussi bien de météo, de sexe, de coloscopie, d’écologie, d’érection… C’est drôle, c’est fin, c’est inspirant, c’est jubilatoire, c’est intelligent mais jamais bienveillant culcul. Et ça fait un bien fou.

Blanche ô ma Blanche

Pourquoi Blanche Gardin dans la Frailledésong ? Trois raisons.

Première raison, je fais ce que je veux. C’est mon blog et passez votre chemin manant si vous êtes pas content.

Raison deux, l’exercice pratiqué par Blanche n’est rien d’autre qu’une longue chanson sans musique. Comme toute bonne chanson elle doit groover, balancer, avoir du rythme, être adaptée à la voix, au personnage et raconter un histoire. Quand c’est fini, comme pour un bon disque, une bonne chanson, on place le diamant au début du disque et c’est reparti. C’est ça Blanche Gardin.

Troisième raison, j’ai tout de suite associé son prénom, pas courant, elle en parle d’ailleurs dans son spectacle, à la chanson de Pierre Perret, Blanche. Je l’écoutais sur un vinyle intitulé Pierre Perret Enregistré En Public A L’Olympia, un disque Vogue en Stéréo avec une étiquette centrale rose. Cette chanson est une pépite de poésie et peut-être une des plus belles chansons d’amour du répertoire français… Peut-être.

Oui peut-être car en cherchant une vidéo de cette chanson, de préférence en public, je suis tombé d’abord sur ce genre d’avertissement :

Vidéo soumise à une limite d’âge (conformément au règlement de la communauté)

(quelle époque de merde !) et sur le commentaire d’un ou d’une quidam qui balançait sèchement comme quoi c’était la chanson d’un violeur. Vraiment un commentaire à la con mais écoutez-la sous cette angle et ça en devient troublant, très troublant, non ?

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