À deux, c’est mieux !
J’aurais pas dû regarder ce film, « Ziegfeld Girl » (en français « La danseuse des Folies Ziegfeld »). Non, j’aurais pas dû !
Pas plus Laurel que Hardy, Doublepatte que Patachon, Éric que Ramzy, personne ne vous dira le contraire : les duos ont un succès comique assuré. Si vous creusez un peu, à côté d’Abbott & Costello et de Martin & Lewis ou Bob Hope et Bing Crosby, vous trouverez également Riri et Nono ou Brancato et Charpini, voire Darcelys et Gorlett. Tout un programme !
Gallagher and Shean
Mais qui se souvient de ce team comique des premières décennies du XXe siècle, formé par Edward Gallagher et Al Shean ? Ils se sont rencontrés en 1912 et ne se sont plus quittés jusqu’en 1925. Leur titre de gloire est une chanson créée en 1922, paroles marrantes sur scie musicale, qu’ils ont testée aux fameuses Ziegfeld Follies. La chanson a tellement de succès qu’en 1931, les frères Fleischer, à qui l’on doit Popeye et Betty Boop, l’inscrivent au programme des « Screen Songs » dessinées pour la Paramount. Et, près de trente-cinq ans après, elle est toujours l’une des favorites du public américain.
Écoutons-la :
Entêtant, avec une série de questions/réponses rythmées par Mr Shean et Mr Gallagher, l’air vous reste en mémoire. Al Shean joue sur son accent yiddish tandis qu’Ed Gallagher est le gars plein de bon sens qui répond aux interrogations de son camarade. Lesquelles portent chaque fois sur un sujet qui le dérange : son épouse qui sort tous les soirs, la naissance d’un enfant noir, la perte de poids ou les droits des femmes. À chaque fois, Mr Gallagher fait le plein de bon sens.
Et puis on note aussi ce décor égyptien, qui nous renvoie aux films d’horreur de la Universal, genre ceux avec la momie, et, pour les spectateurs plus récents, rappelle les Indiana Jones qui eux-mêmes s’inspiraient des Momies et autres serials et séries B de l’Âge d’or. Bref, le décor égyptien ne peut que plaire à tout le monde. Bon, je m’emballe, je m’emballe, c’est vrai qu’à y regarder de plus près, ledit décor se résume aux ports d’un casque colonial pour Mr Gallagher et d’un chèche pour Mr Shean, d’une grande tente bédouine qui ressemble à un chapiteau de cirque et d’une jolie danseuse orientale. C’est déjà ça !
Danseuses en folie
Bon, revenons aux débuts du duo. Les gens qui venaient aux Ziegfeld Follies pour écouter Shean et Gallagher, étaient surtout là pour se rincer l’œil de beautés pas farouches et pas farouchement vêtues non plus. Plusieurs sont d’ailleurs devenues très célèbres par la suite, et pas qu’à cause de leurs prestations scéniques et des jolies photos nues que prenait d’elles Alfred Cheney Johnston. Louise Brooks fut ainsi parmi elles.
Mais revenons à cette « Danseuse des Folies Ziegfeld ». Non, j’aurais pas dû regarder ce film, pas terrible au demeurant, parce que, depuis que cette chanson m’est entrée en tête, elle ne m’a plus quitté. Et que chaque fois que j’y repense j’ai envie de la réécouter. Nous sommes en 1941 et Robert Z. Leonard, qui a déjà signé en 1936 « Le grand Ziegfeld », se remet derrière la caméra pour causer une fois de plus des Follies. Edward Gallagher est malheureusement mort depuis 1929 et Al Shean s’est effacé du devant de la scène, rattrapé par ses neveux, les fils de sa sœur Minnie Marx, qui deviennent rapidement beaucoup plus célèbres que lui sous le nom de Marx Brothers. Quoi qu’il en soit, Robert Z. Leonard tient à reconstituer le célèbre duo. Il rappelle Al Shean dans les studios de la Metro-Goldwyn-Mayer (gaffe au lion !) et lui donne pour partenaire, dans le rôle de Mr Gallagher, Charles Winninger.
Du film, on ne retiendra pas vraiment le scénario mais plutôt ses interprètes : Judy Garland, Lana Turner, Hedy Lamarr et James Stewart. Et le duo de Mr Gallagher et Mr Shean, incarné par Charles Winninger et Al Shean. Grâce à cette chanson dont, à chaque reprise, les paroles changent. Vous en voulez quelques exemples ?
Quand Milton Berle se dédouble :
Ou encore quand Dean Martin affronte Phil Harris :
Je sais pas vous, mais je trouve quand même classe que des mecs du calibre de Milton Berle ou Dean Martin s’emparent d’une telle chansonnette pour en faire d’autres grands moments d’improvisations. Tiens, vous savez quoi ? J’ai encore envie de l’écouter !