Privé… de lui
Richard Dreyfuss est un gros branleur. Du moins, le personnage qu’il incarne dans « The Big Fix », le film de Jeremy Paul Kagan découvert à sa sortie en 1978 et disparu depuis des radars. À tel point que j’offrirais bien un Carambar, un Pokemon ou une vignette Panini à l’éditeur courageux qui sortira enfin ce petit chef-d’œuvre en DVD/Blu-ray.
Bon revenons à nos moutons. Dreyfuss est donc un gros branleur, un détective privé qui, en tout cas, en endosse tous les aspects pour assumer sa tâche (non, il bouffe pas comme un gros dégueulasse, encore que). Il est ainsi capable de se fourrer un doigt dans le nez lors d’une filature pour gêner quiconque le regarderait et, ainsi, éviter de se faire repérer. Il peut aussi broder dix histoires différentes sur les raisons du plâtre qu’il porte au poignet.
MFAM #12 – THE BIG FIX – Jeremy Paul Kagan
En 1978, année où les Américains sont revenus de tout et, surtout, du Vietnam (enfin, pas tous malheureusement pour eux), un détective de cinéma sait qu’il ne peut plus prendre des allures à la Bogart. Du napalm a coulé dans la jungle et le Flower Power a bouleversé les mentalités depuis l’époque de Philip Marlowe et la récente résurrection du privé créé par Raymond Chandler — dans justement « Le privé » d’Altman, où il est joué par Elliot Gould — montre qu’il faut à présent compter avec un mec toujours à la redresse, certes, mais dont la seule classe est de mater des filles à poil de son balcon. D’ailleurs, ce privé seconde main personnalisé par Gould, puis repris par Dreyfuss jusqu’à celui que joue l’excellent James Gandolfini (paix aux cendres de son cigare) dans le non moins excellent « Perdita Durango » d’Alex de la Iglesia, n’a plus rien à voir avec le modèle des années quarante.
L’affaire Richard Dreyfuss
Ce que je retiens de « The Big Fix » — que je n’ai donc pas revu depuis l’époque de sa sortie, c’est dire si les films de notre jeunesse nous marquaient contrairement aux sous-produits et aux merdes qu’on ingurgite aujourd’hui, oubliés vingt minutes après leur vision sans avoir besoin d’être Alzheimer —, c’était le plaisir de voir à l’œuvre un détective décontracté, pas du tout gros bras puisqu’il avait les traits de Dreyfuss. Un sympathique comédien qui, hélas, n’a pas su surfer sur les succès accumulés dans sa jeune carrière : trois Spielberg, dont le nase « Rencontre du 3e type », mais ça ne regarde que moi de ne pas aimer ce film, et quasiment plus rien si ce n’est « Adieu je reste » pour lequel il obtient un Oscar, « C’est ma vie après tout », « Stand By Me », « Étroite surveillance » et « The Big Fix », ce qui fait peu pour une carrière démarrée en 1964 et toujours pas interrompue.
Quoi qu’il en soit, le donc sympathique Richard Dreyfuss jouait un ancien soixante-huitard de Berkeley reconverti dans les enquêtes et qui, au cours de ses investigations, se retrouvait rattrapé par son passé. Ce film tendre et amusant montrait surtout que les temps avaient changé, comme l’avait prédit Dylan, et que malgré la parenthèse enchantée des révoltes étudiantes et de la croyance en un futur meilleur, c’était toujours des salauds qui dirigeaient le monde. Et depuis, c’est une évidence, nous nous sommes faits à l’idée (comme Læticia, finalement, mais c’est de mauvais goût).
Donc, oui, dans « The Big Fix », Richard Dreyfuss est un privé et nous, en manque de ce film absent de nos vidéothèques et de nos écrans, nous sommes privés… de lui.
Moi de même je n’aime pas « Rencontre du 3eme type » que je considère nul et inintéressant