Avec ce nouvel album Des visages des figures les Bordelais de Noir Désir ont dû certainement surprendre, voire peut-être décevoir, leurs fans de la première heure, amateurs de riffs décoiffant et de violence vocale. Noir Des’ rentre dans le rang des grands auteurs de chansons françaises. Entre Ferré (époque Zoo) et Louise Attaque, les 12 morceaux de l’album restent malgré tout marqués de l’empreinte unique et personnelle du groupe.
Le vent nous portera
Les mélodies semblent faciles mais sont enrichies d’arrangements, pour certains signés Romain Humeau leader du groupe Eiffel qui mettra son talent plus tard au service de Lavilliers, d’une précision et d’un à-propos sans faille (L’enfant roi, Le vent nous portera avec Manu Chao à la guitare, Bouquet de nerfs). Bertrand Cantat chante dans des tons inédits et si quelquefois la griffe Noir Désir tente de percer, c’est tout en violence contenue et subtile (Son style, Lost, Des armes).
Ce disque est sorti le 11 septembre 2001, le fameux jour tristement célèbre. Or, Noir Désir nous livre une chanson d’une violente actualité : Le Grand Incendie. Bien sûr, les textes du groupe n’ont jamais fait dans la dentelle ou la bluette sentimentale à deux sous, mais là, les Bordelais devancent dangereusement l’actualité en mettant à feu et à sang une Amérique qui n’avait pas besoin d’eux :
Claudia Schiffer dit qu’elle a même pas peur et tout le monde applaudit à la télé …
C’est l’incendie, le grand incendie …
Europe des 23
Que dire de ce dernier morceau qui dure 23 minutes ? Sur un fond musical entre free-jazz et jam, perturbé par les interventions plaintives des saxos et autres instruments à vent d’Akosh Szelevényl, Bertrand Cantat et Brigitte Fontaine scandent (ou déclament à d’autres moments) un texte fleuve, surréaliste et extraordinaire sur l’Europe. Un morceau envoûtant et hypnotisant.
Après 5 ans d’absence discographique, Noir Désir réussit un coup de maître qui le place au premier plan, loin devant, du paysage chanson/rock français.
Noir Désir est également présent dans l’actualité avec sa participation à l’hommage à Georges Brassens Les oiseaux de passage. Ils font partie des 15 français chargés de reprendre à leur manière un titre du grand homme. Il faut bien avouer qu’ils s’en sortent haut la main. Pour cet exercice périlleux les Bordelais ont choisi de « reggaefier » Le Roi avec chœurs de « Bobmarlettes » et voix d’outre tombe. Très réussi.
Malgré les efforts louables de Miossec (La non demande en mariage), Juliette et sa version blues de La complainte des Filles de joie, Arthur H (La fille à cent sous), Lofofora (une re-lecture gratinée de Les passantes), Tarmac (La ballade des gens nés quelque part), Saez (La prière), et si l’écoute de ce disque reste agréable, Georges Brassens reste le grand gagnant par KO au 15e round. Car comment ne pas avoir envie, à l’écoute de ces covers, de se précipiter sur l’œuvre de Georges interprétée par Brassens ?