Ressortir des vieilleries des placards, ça peut être marrant. Les débarrasser de leur odeur de naphtaline, pourquoi pas ? Mais, parfois, des choses ne réveillent en nous aucun souvenir et, comme dirait l’autre, quand les mystères nous échappent feignons d’en être les organisateurs.
Cet « Art de la guerre », c’est quoi ? C’est quoi ce film, sorti en 2000 ? Aucun souvenir de l’avoir vu. Aucun souvenir d’avoir écrit dessus. Pourtant l’article est signé K et K, à l’époque, c’était Kanibalekter. Donc moi. À moins que…
N’y avait-il pas à l’époque d’autres K dans la rédaction ? Kafka, c’était en 2000 qu’il avait rédigé quelques piges pour nous ? Après le mec avait disparu, on disait qu’il avait le cafard.
Et Kennedy, John F. de ses prénoms, c’était à quel moment qu’il grenouillait dans les bureaux ? Lui aussi, disparu corps et biens, allez savoir ce qu’il est devenu !
Parce que sinon, non vraiment, je vois pas. Bon, le film, cet Art de la guerre, n’a pas l’air si mal. Mais franchement, entre nous, dire du bien de Christian Duguay et de Tony Scott… Ah, et si finalement c’était John Maynard Keynes qui l’avait pondu, ce truc ? Je me souviens vaguement de lui, un mec qui parlait tout le temps d’économie, même qu’il nous gonflait la plupart du temps. Lui, forcément, il avait dû comprendre que Tony Scott était capable de ramener du fric avec ses « Top Gun » et « Spy Game ». Et sans doute Christian Duguay aussi. Ouais, ça devait être lui, le Maynard, qui signait cet article sur « L’art de la guerre ».
Kanibalekter, le 25/08/2018
Si vous avez manqué l’début
Neil Shaw est un espion dont les interventions secrètes sont commanditées par l’ONU lorsque certaines situations sont » diplomatiquement bloquées « . Nous découvrons dans la première séquence se déroulant à Hongkong les capacités du bonhomme et de son équipe. Et là, surprise. A elle seule cette séquence renvoie la série des James Bond au rayon des vieilleries. Et, le film avançant, on se rend compte que c’était bien le but du jeu…
En effet, ce qui a malheureusement été distribué comme un vulgaire Steven Seagal, était sans doute pensé au départ comme la relève de l’espion britannique fatigué. Politiquement adapté à son époque (Neil Shaw ne se bat pas pour un pays, mais pour le monde), moins mégalo que Mission : Impossible et résolument tourné vers un public adulte et masculin, L’Art de la Guerre est exactement ce que devraient être les 007 si ses producteurs n’étaient pas si bornés et timorés.
Interprété avec son charisme et son talent habituels par Wesley Snipes, le personnage de Neil Shaw troque le machisme aujourd’hui un peu ridicule de Bond pour une détermination sans faille, qui fait plaisir à voir. Notre héros tue donc quand il le doit sans se sentir obligé d’adoucir l’acte par une plaisanterie déplacée censée plaire aux familles. On n’avait pas vu ça depuis Le Pacificateur, autre démarquage brillant de la formule bondienne…
L’art de la… guéguerre
On pourra sans doute reprocher au scénario une trop grande et trop artificielle confusion débouchant sur une révélation finalement prévisible. Mais ce serait oublié qu’il ménage tout de même quelques belles scènes d’actions, habitées par des personnages souvent attachants. Surtout, on notera la réalisation inspirée de Christian Duguay qui, après Contrat sur un terroriste confirme tout le bien qu’on pensait de lui. On peut sans risque classer le réalisateur canadien dans la catégorie des Stephen Hopkins ou des Tony Scott, des cinéastes qui, sans être des génies (et sans avoir la prétention de l’être) font souvent montre d’une belle énergie et d’un sens visuel au dessus de la moyenne. Duguay arrive, par exemple, à traduire les réflexions de son héros d’une manière purement visuelle proprement épatante.
Le film est en outre incarné par une pléiade de comédiens impeccables avec à leur tête la charmante Marie Matiko et le surprenant Maury Chaykin. On citera également l’impérial Donald Sutherland, une Anne Archer à la dureté inhabituelle, et un Michael Biehn reprenant son rôle habituel de militaire mais avec, cette fois-ci, une présence physique indéniable.
Le problème, c’est que – hélas ! – Neil Shaw ne sera pas le nouveau James Bond, faute au relatif insuccès de L’Art de la Guerre. Sans doute plombé par un titre pas très adapté (on ne parle même pas de la référence à Sun Tzu qui a dû passer au dessus d’à peu près tout le monde…), et distribué sans enthousiasme, le film a rapporté beaucoup moins que le pourtant médiocrissime Le monde ne suffit pas. A défaut, on pourra donc se repasser le DVD qui offre une image et un son irréprochables. Les suppléments, quant à eux, sont aussi inexistants qu’un projet de suite…