Ma Gastounette
Quand on était gamins, à l’époque où le père de M. Pokora n’était tout juste qu’un spermatozoïde apeuré attendant le grand départ, la télé passait beaucoup plus de films qu’aujourd’hui. Mais, faut pas croire, comme de nos jours, beaucoup étaient récurrents… sans aller jusqu’à dire qu’ils nous lessivaient (gag).
MFAM #11 – LA TÊTE DU CLIENT – Jacques Poitrenaud
Nous, les marmots qui nous gavions de pubs, on n’avait bien sûr pas le droit de tout regarder mais on nous laissait voir les films qui étaient pour nous. Et déjà, à cette époque, alors qu’ils n’étaient pas encore devenus cultes, on se régalait des « Tontons flingueurs » et des « Barbouzes ».
J’aimerais à ces deux mastodontes ajouter un troisième titre que j’adorais voir reprogrammer et qui n’a plus eu, allez savoir pourquoi, les honneurs d’une rediffusion : « La tête du client » de Jacques Poitrenaud. Datant de 1965, donc sans doute archi vu à partir des années 70. Rien que le casting vous met l’eau à la bouche : Michel Serrault, Jean Poiret, Francis Blanche, Sophie Desmarets, Jean Richard, Darry Cowl… La plupart nous faisaient déjà marrer dans l’émission des « Grands enfants », que l’on ne loupait sous aucun prétexte.
Bon, faut vous avouer que n’ayant jamais revu « La tête du client » depuis ces années-là, je n’en ai gardé en mémoire que quelques bribes. Que Serrault, marié à Desmarets, était un chapelier qui, la nuit, devenait avec son beau-frère Poiret le patron d’un tripot. Que ledit Serrault recevait la visite d’un truand qui voulait le faire chanter, Francis Blanche, qu’il faisait passer pour un ami aux yeux de sa femme. J’ai gardé dans l’oreille la grande Sophie (l’actrice, of course, pas la chanteuse) se méprendre complètement sur la situation tendue entre Serrault et Blanche et, appelant son mari du doux nom de « Ma Gastounette » (le pauvre Serrault s’appelant évidemment Gaston), mettait sur le compte de l’amitié les moments où les deux hommes, se croyant à l’abri du regard de l’épouse, cherchaient à s’étriper.
Gazou… Gazou
« Ma Gastounette » est d’ailleurs longtemps resté pour moi le symbole du petit nom gentil, comme le « Gazou… Gazou » que susurrait Maria Pacôme à l’oreille de Bernard Blier dans « Le distrait » de Pierre Richard. Mais revenons-en à « La tête du client ». Pour Poiret et Serrault, tout allait de mal en pis, les quiproquos s’accumulaient, les deux se foutaient dans des situations inextricables. Et nous, les enfants, nous étions morts de rire.
Plus grand, j’ai eu l’occasion de me rendre tous les ans au festival de Cannes et d’y voir, année après année, Jacques Poitrenaud, le directeur d’Un Certain Regard, présenter sa sélection. Jusqu’au jour où je me suis rendu compte que c’était le même type qui avait réalisé le film fétiche de mon enfance. Alors qu’il aurait été facile de l’aborder et de lui en parler, je n’ai jamais osé. Jacques Poitrenaud est aujourd’hui décédé et je regrette de ne l’avoir pas fait.
Peut-être qu’un jour quelqu’un remettra la main sur ce film et en sortira un Blu-ray. Et l’on découvrira que « La tête du client » méritait de devenir aussi culte que les fameux tontons du tandem Lautner-Audiard. Ou alors qu’il était complètement naze et que certains souvenirs d’enfance devaient rester enfouis dans les placards de la mémoire. Allez savoir…
PS : En cherchant une bande-annonce de « La tête du client » pour cet article, je me suis rendu compte que le film existait sur YouTube. Bon, il ne me reste plus qu’à trouver le temps de m’y replonger.