On ne va pas en faire tout un plat du nouveau titre de Benjamin Biolay, la chanson est pas mal. Rythmée, elle swing bien. Musicalement, mélodie et arrangements, elle est légère pour un sujet plutôt plombant : la séparation, l’absence, le divorce, voire, la mort.
Mais la fin est longue. Ben fait traîner. C’est assez fréquent depuis un certains temps à croire que les artistes sont payés au mètre, au temps de musique fournie. Ou manquent d’inspiration. C’est pareil dans les librairies, je trouve que les livres sont de plus en plus épais comme si les éditeurs voulaient que les lecteurs lambda aient l’impression d’en avoir pour leur argent.
Alors ma p’tite dame j’vous mets combien de kilos de Levy ? Ah, j’ai 1 kilo 100. Je laisse ? Oui vous ferez réchauffer avec un peu de Cartland ou vous ferez une salade (de Musso)… Ah, ah, j’allais vous l’dire, vous avez raison, c’est meilleur réchauffé.
Marcel, mon boucher qui fait traiteur aussi
Le cinéma aussi. Les films sont longs mais longs… Bref, faut bien rentabiliser les effets spéciaux et la myriade d’acteurs sur payés. Et puis il y a Rocco Siffredi. Lui il est payé au cm, c’est plus fin. Ce n’est pas l’avis de ses partenaires de jeu qui font la même tête que ma femme devant les valise pour les vacances quand elle a demandé aux enfants ce qu’ils voulaient emmener :
Houlaaaa, mais ça va pas tout rentrer !
Ma femme devant les valises.
Mais je digresse, je dix Grèces, jeudi graisse.
Benjamin Biolay
Revenons à nos brebis. Cette chanson est bien, de la bonne chanson française. Une mélodie accrocheuse, un peu trop même, elle a tendance à vous vriller le cerveau et ne plus le quitter; un texte de haut vol et ces deux putains de premières phrases du refrain :
Comment est ta peine ?
Benjamin Biolay
La mienne est comme ça.
Deux putains de phrases toutes simples mais qui trouvent écho à mon état du moment. La peine comme un fardeau ou comme un deuxième moi qu’on trimbale de nuit comme de jour et jusqu’à la fin de sa vie. Parce qu’elle est là tout le temps. Le chagrin, la tristesse, les larmes ont disparus depuis longtemps, mais la peine, non. Elle reste, agrippée à vous comme un ami un peu collant. Parfois il se fait discret, il est lointain, hors de portée à tel point qu’on se demande s’il va revenir tout en espérant que non. Mais il revient toujours. En fait vous découvrez qu’il n’était pas très loin et quand il revient c’est en gros lourdingue casse-couilles ou alors en ami bienveillant qui vous fait du bien parce que parfois ça fait du bien d’avoir de la peine.
Comment est ta peine ? J’aimerais qu’on me demande ça plutôt que comment je vais. Je répondrais comme ci, comme ça. A mes proches qui me questionnerais sur ma peine, sachant qu’ils la partagent, je répondrais que la mienne est comme ça. Elle s’échoue puis se retire pour revenir s’échouer telle une vague. Et parfois c’est la tempête. Les vagues se font plus fortes, plus fréquentes et c’est la marée haute de l’eau jusqu’au cou. Voilà comment est ma peine, elle est comme ça.
Faut pas qu’on s’entraîne
Benjamin Biolay
À toucher le bas
Il faudrait qu’on apprenne
À vivre avec ça
Puis la suite. La peine est un combat permanent dans lequel vous devez ruser pour vaincre mais momentanément. Car quand vous la croyez groggy elle revient vous attaquer, traîtreusement, on ne sait jamais d’où le coup va venir. Et ça fatigue, ça vous épuise et vous êtes à deux doigts chaque fois de rendre les armes et de vous laisser couler. Plus envie de se battre, plus la force d’avancer contre le vent, plus le courage de prendre des coups. Juste se laisser glisser et toucher le bas, se laisser entraîner au fond et se baigner dans une torpeur j’m’en foutiste teintée d’angoisse et de colère. Vaincre cette étape pour apprendre à vivre avec ça. La peine.
Rien que pour ces quelques phrases, ces quelques vers, cette chanson mérite de figurer dans la playlist du vendredi du Blog de Glob. Je vais continuer à la fredonner toute la journée, voire toute la nuit. Ce n’est donc plus avec la peine que je vais lutter mais avec cette putain de chanson. Ça changera.