Ce disque d’Eddy Mitchell n’évoque pas de souvenirs avec une gonzesse mais avec un mec. Ouais. Un mec que je retrouvais sur le chemin de l’école. On finissait tous les deux à pieds. Il me racontait sa vie qui n’était pas très reluisante. C’était une petite frappe, toujours dehors car la maison ne devait pas être très accueillante. Moi qui avais une vie de petit bourge bien rangée, ses histoires de virées nocturnes me fascinaient et me faisait bien marrer. Car autant que je m’en souvienne, ce mec était drôle et prenait sa vie tumultueuse du bon côté comme s’il pensait qu’elle devait être comme ça et pas autrement.
Chui un rocker
C’était l’époque ou je fréquentais des mecs pas fréquentables. C’est idiot comme phrase. On ne peut pas fréquenter des mecs pas fréquentables puisque, justement, ils ne sont pas fréquentables et on les fréquente quand même. Disons que c’était des mecs qu’il n’aurait pas fallu fréquenter et pourtant j’en fréquentais quelques uns donc je devais être à cette époque un mec pas fréquentable, moi aussi. Mais fréquenter ces mecs fut très enrichissant et me permit d’apprécier ce que j’avais. Et puis je m’en suis sorti, je n’ai pas suivi longtemps, pas assez pour dépasser la ligne jaune, ou blanche, j’ai pu me débarrasser de tous ces mecs pas fréquentables que je fréquentais quand même. Ils sont enterrés au fond du jardin.
C’est la vie, mon chéri
Donc ce mec dont je n’arrive pas à me souvenir de son prénom, en plus de me raconter ses histoires de virées et de castagnes de la veille n’arrêtait pas de chanter les titres de cet album d’Eddy Mitchell. Il connaissait par cœur toutes les chansons. Et il chantait bien. A cette époque je crachais du gros mollard sur la variété française (et je crachais par terre aussi, littéralement, car ça se faisait dans ma bande. Jusqu’au jour ou balançant un beau spot sur le trottoir avec raclement de gorge de compétition, je me suis pris une baffe par ma mère, comme ça, en pleine rue. Depuis, mes mollards, j’me les garde, ça nourrit son homme).
J’étais branché prog, musique compliquée, rock anglo-saxon mais pas franchouille du tout. Mais ce mec me faisait tout l’album. Avec la voix de crooner de Schmoll et les gestes. On s’éclatait bien, tous les deux sur le trottoir pendant les 15 minutes de trajet qui restaient avant de retrouver notre école de cancres. A tel point que je finis par les connaître par cœur puis à chanter en duo avec lui (c’est ce qu’on appelle hurler avec les loups) puis à acheter cet album, ne serait-ce que pour entendre les versions originales.
Depuis, cet album de Mitchell est mon préféré, celui que je peux écouter de bout en bout.
Et puis un jour, le garçon a disparu. En pleine année scolaire. Il ne venait plus à l’école donc je ne le retrouvais plus sur le chemin de la route. Je ne l’ai plus revu. Il s’appelait peut-être Bill Brillantine. Alors merci gars. Je ne sais pas ce que tu es devenu mais j’espère que si tu es toujours vivant tu as gardé ton humour et ta joie de vivre et que tu écoutes et chantes toujours Eddy Mitchell car tu es un rocker, tu es un roller.
Bill Brillantine
Eddy Mitchell – La Ballade de Bill Brillantine
Où es-tu donc passé
Mais que t’est-il arrivé ?
Un p’tit bonus.