Madame file
On la connaissait sous le nom de Madame Peel, qu’une meilleure connaissance de l’anglais aurait dû nous faire prononcer Pile. Mais nous, pôvres de nous, on était minots, je l’étais en tout cas dans ma banlieue nîmoise, et nous on prononçait Madame Pelle. Et tout petits qu’on était, on lui en aurait bien roulé une, de pelle, nous, à Madame Pelle.
Ce n’est que plus tard que je me suis intéressé au nom de l’actrice, Diana Rigg, qui vient de nous quitter à l’âge de 82 ans. Diana Rigg qui, partie chercher sa chance au cinéma, avait délaissé son rôle dans la série « Chapeau melon et bottes de cuir » et cédé sa place à Linda Thorson. Ce n’est pas qu’elle faisait pas le poids, la Linda, bien mignonnette et tout, mais elle n’avait pas la classe, loin de là, de Madame Peel. Ni cette tenue de cuir qui enfiévrait les rêves des petits puceaux que nous étions, du haut de nos 9-10 ans. « Madame Peel, on a besoin de nous » lui disait John Steed à chaque nouvel épisode et nous aussi on avait besoin d’elle.
Non seulement elle était belle, Diana, mais elle incarnait la modernité pop de l’époque. Il suffit de revoir des images de la série et les robes qu’elle porte pour comprendre combien elle était totalement dans ce Swinging London qui a tant marqué les esprits.
Bon, Diana Rigg n’a pas fait que cela, même si carrière a été délimitée par deux séries : « The Avengers » (1965-1968), donc, où elle était cette belle espionne aux bottes de cuir, et « Game of Thrones » (2013-2017), dans lequel elle incarnait Lady Olenna Tyrell, chapeau médiéval et bottes de feutre. Pour le cinéma, rien de bien marquant si ce n’est quand même « Au service secret de Sa Majesté », seul James Bond dans lequel George Lazenby tient le rôle de 007. Et, seul film aussi où Monsieur Bond, James Bond, accepte de prendre pour épouse mademoiselle Di Vicenzo, Teresa Di Vicenzo, que joue Diana Rigg.
Des meurtres, façon Shakespeare ou Agatha Christie
Ensuite, la belle Diana apparaît dans une de ces comédies d’horreur britanniques dont le public était très friand dans les années 70. Dans « Théâtre de sang » (1973), un acteur (Vincent Price) se venge des critiques en les assassinant d’une manière originale : il copie les meurtres perpétrés dans les pièces de Shakespeare. Diana Rigg interprète sa fille.
Elle est encore dans « Meurtres au soleil » (1982), adaptation d’une enquête d’Hercule Poirot, une fois de plus joué par un Peter Ustinov plus suave et malin que jamais. Comme c’est toujours le cas dans ces transcriptions à l’écran des romans d’Agatha Christie, une pléiade d’acteurs connus parade ici au soleil : citons Jane Birkin, James Mason, Roddy McDowall, Maggie Smith, Colin Blakely, etc. Et Diana Rigg.
Miroir, mon beau miroir, qui est la plus jolie : Miss Piggy ou moi ?
Dans la filmo de l’actrice, apparaît encore « La grande aventure des Muppets » dans lequel, ses diamants ayant été volés, des détectives aussi improbables que Kermit, Gonzo et Fozzie — qui sont en réalité des reporters — se mettent à enquêter tandis que Miss Piggy, entrant au service de Diana Rigg, se fait courtiser par le frère de cette dernière et obtient du succès en défilant pour une collection de maillots de bains. Mouais.
Elle fut encore d’une version de « Blanche-Neige » tournée en 1987, dans laquelle elle portait les atours de la méchante reine, belle-mère de la donzelle. On comprend mieux pourquoi, entre 1957 et 2018, Diana Rigg donna toujours la priorité au théâtre. Des Muppets à Blanche-Neige, on l’imagine bien demander à son miroir, son beau miroir, qui est la plus belle du royaume : elle… ou Miss Piggy la cochonne ?
Prochainement sur vos écrans
Diana Rigg est apparue une dernière fois à l’écran dans un film qui ne sortira que l’an prochain : « Last Night in Soho » d’Edgar Wright. On sait qu’Edgar Wright met son talent (et il en a beaucoup) en revisitant les grands sujets du cinéma fantastique et d’horreur tels les zombies (« Shaun of the Dead ») ou les extraterrestres (« Le dernier pub avant la fin du monde »). Dans « Last Night in Soho », il s’empare du voyage dans le temps. Le fait d’avoir évoqué Diana Rigg, d’avoir pensé à sa tenue de cuir et à tous ces épisodes partagés avec Patrick Macnee en John Steed en fut un beau, de voyage dans le temps. On attend évidemment avec beaucoup d’impatience l’ultime apparition de l’actrice. Parce que, entre nous, Madame Peel, on a besoin de vous.