Charles Gérard l’acteur, l’ami de Belmondo mais aussi le cinéaste et scénariste
Charles Gérard l’acteur
Jamais acteur aura été autant lui-même à l’écran. Charles Gérard, qui vient de disparaître ce 19 septembre 2019 à l’âge de 96 ans et que l’ensemble des spectateurs aimait, a toujours incarné Charlot à l’écran. C’est-à-dire un type pas futé, sympathique, doté d’une trogne inoubliable. Et lorsqu’on voyait Charles Gérard, sans doute à cause de ce prénom qu’il porta dans la majorité des films où il figure, on pensait malgré nous que Charlot, c’était lui.
Mais où est Charlot ?
Voyons ça de plus près, en suivant la fiche wikipedia du monsieur. Charles Gérard est Charlot dans « Le voyou » (1970) de Lelouch, dans « L’aventure c’est l’aventure » (1972) de Lelouch, dans « La bonne année » (1973) de Lelouch, dans « Les ringards » (1978) de Robert Pouret, dans « Les uns et les autres » (1980) de Lelouch, dans « Édith et Marcel » (1982) de Lelouch, dans « Un homme et une femme : 20 ans déjà » (1986) de Lelouch, dans « Le voleur et la menteuse » (1994) de Paul Boujenah et dans « Une pour toutes » (1999) de Lelouch. Il est Charles dans « C’est dingue mais on y va » (1979) de Michel Gérard, dans « Viva la vie » (1984) de Lelouch et dans « Les Parisiens » (2004) de Lelouch. Il est encore Charles-Roger dans « Les Charlots en délire » (1979) d’Alain Basnier et Charly dans « La dernière leçon » (2015) de Pascale Pouzadoux. Charlot, Charles, Charly, Charles-Roger : que pouvait penser le public qui voyait ces films ? Que Charles Gérard incarnait toujours Charles Gérard. Et qu’il était dans la vie ce qu’il était à l’écran.
Dis-moi Charlot, t’es sûr que tu parles anglais toi ?
Lino Ventura
À la lecture de cette liste, on remarque deux choses. La première est que Charles Gérard a été l’un des acteurs fétiches de Claude Lelouch. La seconde est que, dans l’esprit des cinéastes qui l’ont employé, il se passait la même chose que dans la tête du public. Il est à tout jamais Charles, Charly, Charlot, c’est-à-dire Charles Gérard. Bien sûr, il lui arrive de porter d’autres prénoms à l’écran, y compris dans la filmo de Lelouch. Il est ainsi Ténardon dans « Partir, revenir » (1984), Tonton dans « Attention bandits ! » (1986) ou Didier Louis dans « La belle histoire » (1992) mais rien n’y fait. Qu’il apparaisse au coin d’un film et sitôt le spectateur se dit : Tiens, voilà Charlot.
Charles Gérard le réal
Outre ses apparitions ici et là, et certaines très marquantes — « Dis-moi Charlot, lui demande Lino Ventura dans « L’aventure c’est l’aventure », t’es sûr que tu parles anglais, toi ? » —, on sait moins que Charles Gérard a aussi été réalisateur. À ses débuts. En 1958, après quelques courts-métrages sur Cannes ou les mannequins parisiens, il signe avec Michel Deville « Une balle dans le canon ». Dans lequel, à côté d’un Jean Rochefort alors peu connu et d’un Roger Hanin dans le rôle d’un ancien para, on trouve en premier rôle féminin Mijanou Bardot, jeune sœur de Brigitte, qui porte dans le film le prénom de… Et bien Brigitte, naturellement.
Suivent « L’ennemi dans l’ombre » en 1960, « Les démons de minuit » en 1961, co-réalisé avec Marc Allégret, « La loi des hommes » en 1962, « À couteaux tirés » en 1964 et « L’homme qui trahit la mafia » en 1967. Sans parler de quelques documentaires sur les clowns, Paris, son ami Belmondo, les Indiens d’Arizona ou Roland Garros. Il aurait également filmé les J.O. de Munich en pleine attaque palestinienne.
Charles Gérard au scénar
Plus fort encore, notre Charlot participe au scénario d' »Une balle dans le canon » avec Albert Simonin et Michel Deville, à celui de « L’ennemi dans l’ombre », « La loi des hommes » et d' »À couteaux tirés » avec Pascal Jardin et à celui de « L’homme qui trahit la mafia » avec Gilles Duvernier et Lise Fayolle. Et, pour la majorité de ces films, il est l’auteur de l’histoire originale. Ce n’était sans doute que des petits polars à la française comme on les aimait dans les années soixante, louchant vers les grands modèles américains. Mais des polars interprétés par de grands noms du cinéma français et qu’on aimerait bien revoir aujourd’hui.
Que nous apprend ce rapide résumé ? Que la presse et le grand public considéraient Charles Gérard comme le sympathique acteur de second plan qu’il était sans doute. Mais pratiquement seulement ça. Les articles nécrologiques ont cité en deux lignes sa carrière de cinéaste, s’attardant plus sur ses amitiés avec Belmondo et Lelouch. Alors que le Charlot avait eu des velléités d’auteur et que ça, ce n’était pas la peine de le rappeler à sa mort. Ainsi va la vie aurait pu être le titre d’un film de Lelouch. Dans lequel Charles Gérard se serait appelé Charlot.