Rockab’ Riot
1981 – Soft Cell, Indochine, Visage, Kim Wilde squattent les charts avec leurs boîtes à rythmes, leurs voix réfrigérées, et leurs mélodies d’outre tombe. En France on a aussi Tata Yoyo et Herbert Léonard qui ajoutent la touche franchouillarde bien de chez nous.
Et voilà que débarquent, telle une horde de Harleys pétaradantes au milieu des pigeons picorant, Brian Setzer et ses Stray Cats qui vont faire un carton avec un single de hargne et de feu, un pur produit de rock’n’roll dans la grande tradition des Presley, Vincent, Cochran : Runaway Boys. Un retour aux sources, lifté et recoiffé par Dave Edmunds, qui fait du bien à entendre dans cette ère glaciaire dominée par la New Wave.
Setzer et les chats errants
Les Stray Cats sont trois et tout est naturel chez eux, de la banane aux santiags.
Slim Jim Phantom joue de la batterie debout (chez nous c’est le piano…) avec une simple caisse claire et une cymbale, assure quelques chœurs quand il ne pousse des cris de riot boy pour galvaniser le public.
Lee Rocker, deuxième élément de la rythmique des chats, fait tournoyer sa contrebasse plus haute que lui. Ce qui ne l’empêche pas de se coucher et de monter dessus tel le chat de gouttière O’Malley rêve de la faire avec Duchesse.
Brian Setzer dépasse de sa guitare Gretsch dont il joue divinement bien suffisamment pour chanter tous ces standards et tubes de rockab furieux.
Les trois rockers tatoués et bananés vont enchaîner les tubes (Rock this Town, Sexy and 17, Rumble in Brighton…) et mettre le feu partout où ils passent grâce à une énergie sans pareil et une virtuosité étonnante. J’ai eu la chance de les voir à leur grande époque dans une salle mythique.
En 1984, Brian Setzer quitte les Stray Cats pour entamer une carrière solo parsemée de quelques albums de bonne facture mais sans rien de flamboyant.
Il reviendra à son amour du rockabilly et du rock’n’roll en 2005 avec une série d’albums intitulés Rockabilly Riot qui rendent hommage à Sun Records, aux fifties, aux sixties, bref au Rock’n’Roll seul amour éternel de Brian.
Setzer et son grand orchestre
Mais avant, le brillant Brian réalise son rêve d’enfant : diriger un Big Band et jouer les morceaux des années 50. A la tête de 17 musiciens (saxos, trompettes, trombones) bien installés derrière leurs pupitres chamarrés, le chat va renouer avec le succès et parcourir le monde laissant à l’issue de ses prestations le public pantelant, comblé, épuisé, charmé. Brian Setzer mène tout ça de main de maître. Il chante de mieux en mieux et ses parties de guitares sont de plus en plus élaborées. Setzer en vrai musicien qu’il est (dés l’âge de 8 ans il étudie le solfège et l’harmonie) prend en charge la direction artistique et les arrangements. Le Brian Setzer Orchestra fête aujourd’hui ses 25 ans d’existence. Ça change de Raymond Lefebvre et Son Orchestre !
Casino, Dirty Boogie, Guitar Slinger ses disques de Noël, Boogie Woogie Christmas, Dig That Crazy Christmas, Christams Comes Alive, Rockin’ Rudolph, autant d’albums truffés de cuivres étincelants, de guitares sauvages et de bonne humeur grâce à un swing pailleté et brillant que n’auraient pas renié les plus grands golfeurs légendaires. Difficile de rester de marbre à l’écoute de ces rythmes dignes des plus fines lames du jazz et de ces mélodies interprétées par un Setzer qui se révèle au fur et à mesure des albums un excellent chanteur. Le Brian Setzer Orchestra est une permanente invite à la fête aussi à l’aise dans le dépoussiérage de vieux standards (Jingle Bells, Mack The Knife, Rock this Town, etc. Il s’en prendra même au classique, poudrant d’électricité les perruques de Mozart et ses potes) que dans les compositions originales (Dirty Boogie, Americano repris par notre bourrin Dany) même si fortement inspirées par d’autres standards.
La qualité de ses relectures de vieilles chansons est particulièrement mise en évidence dans ses albums consacrés aux chants de Noël. Des versions boogie, blues et gospel qui vous font oublier le caractère rituel des ces scies ressorties chaque année à la même époque et qui ont bercé notre enfance et bla, bla, bla…
Je vous enjoins (en 1 mot !) de regarder les DVD de ses fêtes de Noël qui sont autant des invites à la fête que des merveilleux moments de musique. Et tout le monde s’amuse, musiciens et public. Et ça c’est cadeau !
Derrière sa vue basse et son air con, l’ami Brian a, dans un premier temps, remis au goût du jour un style musical moribond, le rockabilly dont tout le monde se foutait royalement. Qui écoutait Ruckus Tyler, Johnny Burnette, Dale Hawkins, ou Charlie Feathers; tout le monde avait oublié Crazy Cavan, Matchbox, alors qu’avec leurs tubes, les Stray Cats hantent aujourd’hui les compilations de rock et pop en tout genre.
Derrière ses rouflaquettes et ses tatouages, il remet le couvert, quelques années plus tard, avec le big band. Ce mec est arrivé à cartonner et surtout à imposer à une industrie frileuse et radine le retour des grandes formations. Pas d’électronique, pas de computer mais un orchestre d’une quinzaine de personnes dont il est, chose rare dans l’histoire des big-bands, le guitariste, le chef d’orchestre, le soliste, le chanteur mêlant aux rythmes du jazz toute sa culture rock’n’roll.
A deux reprises dans sa carrière donc, cet Artiste (vous avez remarquez le a majuscule ?) amoureux des vielles bagnoles (il conduit une Chevrolet Bel Air de 57), des zoot suits, des guitares, des vieux amplis a remis au goût du jour les musiques traditionnelles de son pays, a su les dépoussiérer et en faire grâce à sa virtuosité et à son talent des succès mondiaux. Il a su également recréer l’ambiance et l’imagerie des années 50 et 60 avec des pochettes à bananes, des costumes à rayures, des bagnoles tunées, de la BD, de la joie et de la fraîcheur.
Respect et chapeau bas !
Pour en savoir plus sur le royaume du Roi Setzer, allez visiter son site qui est une mine d’or.