Tout pour les madeleines

Voilà plusieurs années qu’une chanson me trotte dans la tête, un refrain plutôt, qu’il m’arrive de fredonner de temps à autre. Cet air, je l’ai écouté à un moment de ma vie, il m’a plu, est resté enfoui quelque part dans ma mémoire. Mais impossible de me rappeler le titre du morceau, encore moins le nom de l’interprète. Punaise, mais de quoi s’agit-il donc ? Variété ? Musique de film ?

Madeleines de Jasmine, Fame

Et voilà que je partage il y quelques jours un lien sur Facebook concernant FAME, la célèbre série américaine du début des années 80. L’histoire de ces jeunes artistes plein de fougue, de talent, qui rêvent de toucher le cœur du public ; ces professeurs de théâtre, de chant ou de musique qui les accompagnent pour les aider à atteindre peut-être les étoiles. J’adorais cette série, je l’aime toujours d’ailleurs.

C’est alors que je décide d’écouter sur Deezer la bande originale de la série et là, MIRACLE ! Je tombe, émerveillée, sur le morceau perdu que je chantonnais depuis si longtemps : il s’agit d’Irène CARA interprétant Out Here on My Own. Ces retrouvailles ont tout bêtement illuminé ma journée : je suis partie travailler en chantant Irène CARA (je chante dans ma voiture et comme la voix magnifique d’Irène couvre la mienne, j’ai l’impression de chanter aussi bien qu’elle…). Le soir, je l’ai écoutée encore au casque, et je me suis endormie avec cette chanson.

Le même phénomène s’était produit il y a longtemps, début des années 2000. Ma vie était nettement moins amusante que maintenant, j’étais coincée quelque part au Maroc, supportant des conditions de vie difficiles. J’« entendais » parfois un refrain, comme si quelqu’un était là, à côté de moi, en train de le fredonner. Bizarrement, j’ignorais quel était cet air, mais il me faisait du bien. Puis le temps est passé, ma vie a changé, je suis devenue lyonnaise et un jour j’ai regardé le film de Steven Spielberg « La liste de Schindler ». Celui qui n’a pas vu ce film doit le voir, absolument. Les dernières images sont tout simplement bouleversantes. Elles m’ont d’autant plus bouleversée qu’une musique les accompagne : Yerushalaim Shel Zahav. C’est l’air que j’entendais au Maroc. J’en suis restée scotchée !!

Nos madeleines musicales

Le cerveau nous réserve parfois bien des surprises. Ce qui m’étonne concernant Yerushalaim Shel Zahav, c’est que je ne me rappelle pas avoir entendu cet air une seule fois dans ma vie. Comment ai-je pu l’avoir en tête pendant ma période marocaine ?? J’en conclus donc de manière cartésienne que j’ai dû l’entendre un jour et qu’il est revenu à la surface pour me soutenir dans ce moment difficile.

Une seule chanson, un seul air, et nous voilà parfois transportés à un moment bien précis de notre vie, nous y retournons en une seconde ! La musique est une incroyable machine à remonter le temps : je pense par exemple à Daydream de Wallace Collection :

Automatiquement, je me revois dans ma chambre vers l’âge de 10 ans ; à l’époque, mes parents aimaient se retrouver le soir dans le salon, juste tous les deux, et ils écoutaient de la musique. Mon frère et moi étions déjà couchés. Sauf que moi, je ne dormais pas. J’écoutais leur musique du fond de mon lit, malgré la porte du salon fermée. Et j’entendais Daydream, que j’adorais, j’aimais sentir mes parents tranquilles, apaisés. Mon père avait une manière bien à lui d’écouter la musique : que ce soit un morceau des Rolling Stones ou un air de Mozart, il était toujours assis, les jambes croisées, et sa pantoufle se balançait en rythme. Daydream est resté pour moi un hymne dédié à mes parents, le souvenir d’une vie de famille qui allait voler en éclat quelques années plus tard. Je ne me lasserai jamais de l’écouter.

Madeleines cramées, madeleines sucrées

Des madeleines musicales, nous en avons tous, j’en ai des tas : souvenirs de moment inoubliables, beaux ou douloureux.
Un jour de printemps pluvieux, mon beau-père est décédé dans le service de néphrologie où je travaillais, j’ai été la première à l’apprendre. Je suis montée, abasourdie, dans l’unité où son corps encore chaud était en train d’être emmené, caché sous un drap blanc. La musique qui accompagne cet instant et tous ceux qui ont suivi, c’est Mon père, ce héros d’Aldebert. Elle a été choisie par sa fille pour accompagner le cercueil à l’église. Très bon choix : texte magnifique, dans lequel tous ceux qui ont aimé leur père peuvent se retrouver. Rien à faire, dès que j’entends ce morceau, je revis tout cela. Il est au chaud dans ma playlist, j’ai encore du mal à le réécouter.

Bon, et le sexe dans tout ça ? enfin, l’amour je veux dire ! Premier flirt, chanson inoubliable. Allez, on en a tous une, forcément ! La mienne me renvoie à mes 15 ans. Mon petit ami en avait 17, s’appelait Yann, était mignon, faisait du football américain et était fan de Huey Lewis and The News. Ma meilleure amie avait organisé un camping au fond du jardin de sa maison de campagne, dans un bled paumé des Vosges. Je n’oublierai jamais cet été : on dormait sous des tentes, se lavait à l’eau froide, nous mangions du camembert et des pommes de terre cuits au feu de bois, faisions de longues balades à vélos.

Et puis un soir, Yann et moi avons partagé un premier baiser baveux, ce qui m’a un peu dégoutée sur le moment. Mais le plaisir a vite repris le dessus, je vous rassure. Une nuit, nous avons dormi en forêt, à la belle étoile. Le jour commençait à pointer le bout de son nez, les copains dormaient encore. Yann et moi avions été réveillés par une famille de sangliers qui venaient de passer tout près de nous. Il m’a alors pris la main et m’a entrainée près d’un petit lac, juste à côté. Il faisait bon, on entendait les grenouilles coasser et les oiseaux gazouiller, nous étions seuls au monde. Yann a alors posé sa radio-cassette, a appuyé sur le bouton PLAY et nous avons dansé un slow inoubliable sur Simple as That de Huey Lewis and The News.

A la vie, à la mort

Vous allez me trouver morbide, mais souvent je me demande ce que j’aimerais comme musique le jour de mon enterrement. J’y réfléchis avec beaucoup de sérieux. Voyons voir : Hallelujah de Jeff Buckley ?

Finalement, j’ai opté pour un morceau joyeux et solaire : Auld Lang Syne version Pink Martini.

Le jour de ma mort (et de ma nouvelle vie), j’aimerais que les gens chantent et dansent, qu’ils boivent un coup à ma santé. Je ne sais pas toujours quel sens donner à mon existence. Mais ce que je sais en revanche, c’est que la Musique a toujours été là, puissante, permettant de me sentir merveilleusement vivante.
A travers Elle, je ne mourrai jamais.

Une dernière madeleine pour la route ?

A regarder : Le Pouvoir De La Musique, Et Son Magnifique Effet Sur Le Cerveau Humain Documentaire Exclusif

Un commentaire Ajoutez le votre

  1. blackbonnie64 dit :

    Mais que voilà une bonne idée que de parler de cette madeleine que l’on attend comme toutes les semaines en apportant du lilas! Perso la mienne, celle qui restera toujours sur le dessus du paquet c’est Call my name de James Royal. Je ne sais pourquoi. Pas loin y’a Eloïse de Barry Ryan et Nights in white satin de Moody Blues pour accompagner mon premier grand amour. Pour l’motion c’est Jeff de Brel avec qui je j’entretiens le souvenir de mon pote. Et pour mes funérailles je veux Sound of Silence par Nouela et Comfortably Numb du Floyd.

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